Constellation

Ce presque au centre de toutes les attentions, ce hasard dont il faut dénouer les ramifications pour l’extraire de la fatalité. Deux lois gouvernent l’histoire de l’aéronautique et concourent à l’intérieur de l’opinion publique à transformer un enchaînement de causes rationnelles en un signe magique de la destinée : la loi des séries et la loi de Murphy. La première est le fruit d’un aveuglement aux événements heureux et d’une accentuation par le relevé médiatique des drames d’une série. La seconde, son corollaire, tient dans l’adage absurde qu’une succession d’erreurs trace une prédestination des catastrophes : « Tout ce qui peut mal tourner va mal tourner. »

Homme d’un autre siècle, représentant d’un monde sur le déclin qui laisserait bientôt place au règne des hommes pressés, Boutet de Monvel aurait volontiers souscrit au Bilan de l’intelligence qu’établissait Paul Valéry : « Nous ne supportons plus la durée. Nous ne savons plus féconder l’ennui. »

L'archipel est constellé d'almas ou alminhas, "âmes" ou "petites âmes", cubes de pierre aux carreaux bleus et blancs ornés d'une croix.

Et, selon la légende insulaire, chaque deuxième jour de novembre, les âmes perdues tournent autour des stèles dans l'espoir que saint Michel les attrape avec sa corde et les libère du purgatoire. Ces croix, innombrables sur les hauteurs de Sao Miguel, veillent au sauvetage de ces naufragés. Au sommet du mont Redondo, une âme veille au salut de quarante-huit naufragés du ciel.

Réclame : « Puisque enfin ils ont le choix, les clients sont devenus difficiles. Pour leur petit déjeuner ils exigent le produit de qualité et de vieille réputation… ils exigent BANANIA, l’exquis petit déjeuner chocolaté. »

Kamen [...] imagina l'opération commerciale la plus rentable de l'histoire du studio : la montre Mickey Mouse. L'homme d'affaires fit lui-même le croquis du prototype, la souris peinte au centre du cadran indiquerait de ses grosses mains gantées l'heure, secondes et minutes s'entrecroiseraient, animant simultanément le personnage. Trois petites souris aux pieds de la grande feraient office de chronomètre.

"Nous ne supportons plus la durée. Nous ne savons plus féconder l'ennuie".

 Plus l’oracle est précis, moins on l’écoute, telle est la leçon de Cassandre. Et quand il est entendu, tout geste contraire concourt à son accomplissement, se débattre, rebrousser chemin fait partie du jeu, telle est la leçon de l’oracle de Delphes. En somme, nul n’échappe à son destin. 

La fiction d’un je omniscient enfilant les vêtements des victimes comme l’on se glisse dans les costumes d’un petit théâtre d’époque n’existe pas.

Il est commun d'écrire que le luthier est le médecin du musicien. Cette analogie, nul violoniste ne la dément, la relation instaurée entre l'artisan et le concertiste dépasse bien souvent le simple cadre du violon. Il s'agit en quelque sorte d'un psychothérapeute, un médecin de l'âme, comparaison inscrite jusque dans la fabrication même de l'instrument. L'âme, cette pièce d'épicéa placée à l'intérieur de la caisse de résonance. A quelques millimètres du pied droit du chevalet et du cordier, âme, tout comme celle que nous trouvons en chacun de nous pour autant que nous souhaitions y croire, tient de l'indéfinissable nécessité de l'écho. Elle transmet les vibrations des cordes au fond de l'instrument. Elle permet également à la table de tenir la pression qu'exercent les cordes par l'intermédiaire du chevalet. L'âme, une chambre d'écho soutenant la pression, le poids de la vie, je souscrirais assez volontiers à cette définition. Médecin de l'âme sans stéthoscope mais armé d'un outil tout autant poétique : une pointe aux âmes. L'art de la lutherie réside entre autres dans le placement de ce cylindre de bois. L'artisan devient alors confident. L'ajustement de la pièce doit correspondre à la personnalité et à la sonorité même du virtuose. Armé de cette pointe, le luthier pique l'âme pour l'introduire par l'ouïe droite et une extrémité en creux, et la place délicatement dans sa position idéale. Un décalage de quelques millimètres peut dénaturer et le violon et le jeu du concertiste, toucher à l'âme d'un violon nécessite la compréhension totale de l'instrument et de son propriétaire. Et le médecin de l'âme se fait alors médecin des âmes.

L'occurence simultanée de ces deux événements qui ne présentent aucun lieu de causalité, l'arrivée des dépouilles du F-BAZN à Paris et le récital de la chanteuse anglaise ce même soir, à la même heure, prend la forme d'un de ces nombreux hasards objectifs, omniprésents, invisibles à nos yeux jusqu'à leur rapprochement, tout comme ces astres scintillants dans le ciel agglomérés en constellation par l'oeil et l'esprit.