Citations sur A comme Association, Tome 2 : Les limites obscures de.. (53)
J'entame mon ascension. Au premier, je passe devant une porte sur laquelle un extraterrestre a fixé une plaque hallucinante : "Amicale des joueuses de bingo". j'ignore ce qu'est le bingo mais l'idée que des amies s'amusent à y jouer suffit à me glacer le sang. D'autant que j'ai déjà croisé Mme Deglu, la présidente de l'Amicale dans l'escalier. le bingo doit être une forme de vaudou. En plus trash.
13 rue du Horla. L'Association a choisi pour installer son antenne française un immeuble vétuste à la façade bedonnante qui dresse sa décrépitude entre le chantier d'un projet résidentiel mort-né et un hôtel louche où les chambres se louent à l'heure.
Question discrétion, Walter - si c'est lui qui a choisi le lieu - s'est surpassé. Question standing, c'est la honte.
Je pousse la porte. Le hall, trois mètres carrés pas du tout carrés, pue la pisse et la cigarette froide, les prospectus qui jonchent le sol ont été imprimés avant l'invention de l'écriture et la lumière de l'unique ampoule qui se balance au plafond permet à peine de discerner les premières marches de l'escalier conduisant aux étages. Un paradis pour cafards ambitieux ou une source d'inspiration pour poète maudit. Cochez la case qui vous correspond.
-C'est vrai?
-Non. En revanche, si vous voulez vraiment que je vous raconte ma vie, il va falloir que vous m'expliquiez qui vous êtes et ce que vous voulez.
La surprise qui s'est peinte sur le visage du type m'a procuré le même plaisir qu'une tablette de chocolat aux noisettes. Pourquoi les adultes imaginent-ils si souvent qu'enfance rime plus avec déficience qu'avec intelligence?
Selon Marcel Jouhandeau, la discrétion est la seule vertu qui souffre l'excès sans en souffrir.
-George Shaw avait coutume de déclarer que l'indépendance vaut bien que l'on supporte la solitude. Qu'an pensez-vous?
-Rien.
La liberté, a-t-il écrit [Camus], n'offre qu'une chance d'être meilleur, la servitude n'est que la certitude de devenir pire.
Presque incassable.
Quand je percute le mur du préau, j’ai le douloureux sentiment que j’ai atteint les limites de l’adverbe « presque ».
Le choc est en effet si violent que plusieurs parties essentielles de mon corps, dont mes bras, mes jambes, mes vertèbres et mes côtes, réclament aussitôt leur autonomie. Une autonomie que mon cerveau, occupé à inventer l’adjectif brouillardeux, envisage de leur accorder, histoire d’avoir la paix.
J’accepte de glisser au sol tout en refusant de glisser dans l’inconscience et, pour faire bonne mesure, je glisse la main dans ma poche. Le contact de mon téléphone – ouf, il n’est pas cassé – rend de la cohésion à mes organes et de la cohérence à mon esprit.
Je compose le numéro de Jasper d’un doigt que l’urgence rend fébrile. Il décroche à la troisième sonnerie, ce qui laisse le temps à l’Elémentaire de franchir la moitié de la distance qui le sépare du lycée.
Walter est vieux, gras et chauve, c’est un maniaque de la discrétion, il adore taper du poing sur la table mais il aime ses agents. Surtout les plus jeunes. Et il sait qu’on sait qu’il nous aime. Et comme nous on sait qu’il sait, même quand il est en mortel pétard, il y a de l’affection qui traîne dans les coins.
Je ne suis pas sûre qu’il ait compris mais il hoche la tête pour marquer son assentiment. Compte tenu de sa situation et de mon état d’esprit, c’est la meilleure chose à faire. Sauf que ses copains, sans doute émus par sa détresse, décident d’intervenir. Ils sont trois, que diable, et je ne suis qu’une fille. Oui, mais il me reste une main libre. Tant pis pour eux.
la discrétion est la seule vertu qui souffre l'excès sans en souffrir