Pour la génération qui a vécu cette époque charnière, la liberté et la justice n’étaient pas des utopies
« La notion de "développement" en elle-même témoigne d'un manque de distance critique avec les schémas mentaux hérités de la colonisation. Il n'est certes plus question de "civilisation", mais on parle toujours de"rattrapage" et de "retard", comme si les Africains devaient toujours marcher dans les pas de quelque société "supérieure". » (p. 221)
« Avec Lumumba s'achève un âge de la lutte anticoloniale. Désormais, il n'est plus possible de confondre indépendance formelle et indépendance réelle, de dissocier lutte anticoloniale et lutte anti-impérialiste ou de s'illusionner sur une émancipation réelle non violente. Ce que Fanon résume admirablement dans un texte consacré à la mort de Lumumba : "Notre tort à nous, Africains, est d'avoir oublié que l'ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend jamais. Il capitule mais ne se convertit pas." » (p. 181)
« Quand elle n'est pas pensée en profondeur, c'est-à-dire comme un processus d'émancipation complet, à la fois culturel et politique mais également social et économique, la contestation de l'ordre colonial risque toujours de se retourner contre celles et ceux qu'elle est censée libérer. » (p. 79)
« Blâmant les victimes du système économique international plutôt que ses responsables, chassant les logiques de système qui permettent de comprendre les mécanismes de domination, cette pensée anti-tiers-mondiste scella le mariage entre le dogme néolibéral et la pensée culturaliste. Il n'y a rien "chez nous" qui puisse expliquer les désordres du monde, assuraient les idéologues conservateurs, car la source des problèmes est "chez eux" – dans leurs cultures, dans leurs coutumes, dans leurs mœurs, dans leurs vices intimes. » (p. 8)
Cette soif de politique, qui n’est autre qu’un désir de vie, est peut-être la première leçon que nous ont léguée les penseurs-combattants de la révolution africaine – qui furent aussi des acteurs de premier plan d’une libération universelle
Il y eut pourtant une époque, pas si lointaine, où des hommes et des femmes savaient qu’un autre avenir était possible et se battaient pour qu’il se concrétise
Quand elle n’est pas pensée en profondeur, c’est-à-dire comme un processus d’émancipation complet, à la fois culturel et politique mais également social et économique, la contestation de l’ordre coloniale risque toujours de se retourner contre celles et ceux qu’elle est censée libérer
ce n’est pas un « passé » plus ou moins mythifié qui fonde l’unité africaine mais une communauté de destin issue des exigences d’une indépendance réelle et orientée vers l’aveni
Alors que l’opposition au système colonial avait tendance à gommer les lignes de clivage internes et à unifier les sociétés africaines, la libération du joug colonial tend à faire émerger de nouvelles lignes de fracture entre classes sociales au sein de chaque nation