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EAN : 9782849503447
332 pages
Syllepse (07/06/2012)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Depuis que les relations de domination existent, les dominés se sont insurgés pour les abolir et les dominants se sont évertués à les justifier. Le combat du vocabulaire, des théories explicatives de la réalité, des grilles de lectures des faits sociaux, fait ainsi partie des luttes sociales. La déconstruction des mots, concepts et argumentaires qui accompagnent les dominations est une nécessité pour abolir celles-ci. Le présent glossaire se veut être une modeste co... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La discrimination systémique n'est pas seulement le fruit de mentalités ou de valeurs racistes, mais le résultat du fonctionnement social inégalitaire

En avant propos, les auteurs précisent : « Il n'y a pas pour les membres de ce collectif de connaissances qui ne soient pas situées, ni de subjectivité qui pourrait se prétendre au-dessus de la mêlée des affrontements sociaux, quand bien même elles se doteraient des méthodologies scientifiques les plus poussées. Tant que subsiste la domination, il n'existe pas de tierce position qui se situerait ni du coté des dominants, ni du coté des dominés. » Cette position me semble en effet incontournable lorsque l'on analyse des relations sociales. Il ne s'agit pas d'un moins comme le pensent beaucoup d'universitaires, mais d'une nécessaire prise de conscience que l'on ne peut parler d'un hypothétique « toit du monde ». Sans en faire un argument polémique, je regrette que des féministes n'aient pas été associées à la rédaction de ce dictionnaire.

Les articles « ne prétendent pas recouvrir l'ensemble du thème concerné mais visent plus modestement à souligner des dimensions qui nous ont semblé importantes sur chacune des entrées ». Les auteurs revendiquent deux convictions profondes « la nécessité de contribuerau combat social par la critique des idéologies de légitimation d'une part, et par la conviction de l'existence d'un système de dominations qui articule les facteurs de classe de sexe et de race, d'autre part ». Plutôt que de parler d'articulation, je préfère la formule de Danielle Kergoat sur les caractères consubstantiels et co-extensifs des rapports sociaux : « en se déployant, les rapports sociaux de classe, de genre, de ”race”, se reproduisent et se co-produisent mutuellement » (citation extraite du livre de Roland Pfefferkorn : Genre et rapports sociaux de sexe, Editions Page 2, 2012 et qui se retrouve probablement dans la réédition des textes de cette auteureSe battre disent-elles, La dispute 2012). Ce point sera traité, sous plusieurs angles, par les auteurs dans le dictionnaire proprement dit.

Hors, à de rares exceptions près, textes de féministes justement, il est rare que, pour garder le vocabulaire des auteurs, l'articulation soit pleinement traitée. La forme même de dictionnaire, rendant la chose encore plus difficile, car il aurait fallu, au moins indiquer dans de nombreuses entrées, les « conséquences » différenciées pour les femmes et les hommes.

Je renvoie donc les lectrices et les lecteurs, entre autres, à la lecture de Nouvelles Questions Féministes ou aux Cahiers du genre, et aux ouvrages de Christine Delphy, Jules Falquet, Danielle Kergoat, Elsa Dorlin, etc…

A l'inverse, la forme « dictionnaire » permet une exposition de différentes analyses, la multiplication des sources et des références. Sur ce dernier point, flotte une certaine indétermination, les références au « marxisme » me semblent assez « dogmatiques » (infrastructure, superstructure, aliénation, idéologie comme reflet, lien entre contraintes systémiques et relations de type impersonnel, classes populaires, globalisation) et sont juxtaposées à des concepts sociologique plus ou moins critique. En lisant le livre en continu, j'ai ressenti une certaine indécision sur certaines théorisations. Par ailleurs les auteurs n'évitent pas toujours le jargon universitaire.

J'aurais aimé que les discriminations « spécifiques » que subissent les asiatiques, chinois-e-s en particulier, soient abordées. Il y aurait de ce point de vue, un ouvrage comparatif à faire sur les dominations « subies » par les populations « chinoises » hors de Chine et par les populations « juives » dans la première moitié du vingtième siècle, ou « africaines » aujourd'hui en Europe.

Les auteurs se revendiquent du matérialisme et considèrent « la domination comme un rapport social, c'est-à-dire un rapport entre groupes sociaux ayant des effets sociaux concrets ». La domination ne relève pas de la sphère individuelle, « elle a une fonction sociale et matérielle ». Ce qui implique « Penser la domination suppose donc de penser l'émancipation ». Les aspects contradictoires du/des système(s) de domination, l'irréductibilité des femmes et des hommes aux oppressions, « le développement de la puissance d'agir des dominés », sont analysés dans l'introduction. Et les auteurs affirment clairement que « le processus d'émancipation ne peut donc être qu'un processus d'auto-émancipation » ou dit autrement « L'émancipation en tant que conquête d'une nouvelle puissance d'agir par soi-même et pour soi-même suppose la mise en mouvement des dominés, leur prise de parole et de pouvoir, leur sortie de l'invisibilité ».

Ils nous rappellent que les « processus d'entraves à la conscientisation » sont souvent présentés comme un consentement du/de la dominé-e, et montrent l'apport, sur ce sujet, de Nicole-Claude Mathieu « Céder n'est pas consentir ».

Voilà quelques poins sur lesquels, je souhaitais insister. Les citations sont extraites de l'avant propos, dont ma présentation n'est que partielle.

Les entrées du dictionnaie :accommodation raisonnable, acculturation, affirmative action, afrocentricité, afrocentrisme, ajustement concerté, aliénation, aménagement raisonnable, antiracisme/antisexisme, arôme idéologique immédiat, asservissement, assimilation, assimilationnisme, assujettissement, autonomie politique, banlieue, banlieue rouge, bastion ouvrier, barbare, barbarie, black feminism, blanc, blanchiment, blanchité, capacitaire, capacité, capital, chauvinisme, chauvinisme de l'universel, choc des civilisations, civilisation, classe de sexe, classe dominante, classe moyenne, classe ouvrière, classes sociales, colonialisme, colonisation, communautarisme, communauté, concurrence victimaire, conscience de classe, conscience de race, conscientisation, consentement, contrainte, contrôle social, corps d'exception, culturalisme, culture, devoir d'ingérence, devoir de mémoire, différence, différentialisme, discrimination, discrimination au guichet, discrimination directe, discrimination indirecte, discrimination positive, discrimination raciale, discrimination raciste, discrimination structurelle ou structurale, discrimination systémique, discriminations multifactorielles, diversité, domination, domination symbolique, droit d'ingérence, égalité, égalité de principe, égalité de résultats, égalité de traitement, égalité des chances, égalité formelle, égalité réelle, embourgeoisement, émancipation, ennemi de l'intérieur, espace public, espace privé, essentialisation, essentialisme, ethnicisation, ethnicité, ethnie, exception, exploitation, féminisme, féminisme des minorités, féminisme des subalternes, féminisme du tiers-monde, féminisme musulman, féminisme postcolonial, fraternalisme, genre, gentrification, ghetto, globalisation, hégémonie, hégémonie culturelle, hétéronormativité, hétérosexisme, hétérosexualité, hominisme, homonormativité, idéologie, identité, identité nationale, impérialisme, incapacité, indianisme, indigénat, indigène, indigénisme, inégalité, ingérence, intellectuel organique, interculturel, intersectionnalisme, intersectionnalité, intégration, invisibilité sociale, islamo-gauchisme, islamophobie, laïcité, localisme, logique de l'équivalence, logique de symétrie, lumières, luttes des classes, majoritaire, majorité, masculinisme, masculisme, maternalisme, mémoire, mérite, méritocratie (républicaine), minoritaire, minorité, mission civilisatrice, mixité, mixité sociale, mondialisation, multiculturalisme, multiculturel, nation, nationalisme, négrisme, négrité, négritude, néocolonialisme, oppression, orientalisme, paternalisme, patriarcat, philosophie des lumières, postcolonial studies, postcolonialisme, pouvoir blanc, pouvoir et savoir, pouvoir noir, privilège, privilège blanc, privilège masculin, public/privé, quartiers « sensibles », quartiers « difficiles », quartiers populaires, queer, question sociale, race, racialisation, racisation, racisme, racisme anti-blanc, racisme institutionnel, racisme culturaliste, rapport social, représentation sociale, républicanisme, république, segmentation du marché du travail, sexage, sexe, sexisme, sionisme, spatialisme, stigmate, subalterne, subaltern studies, substantialisme, sujet, suprématie blanche, symétrie, token, tokénisme, traitement d'exception, victimisation, vision capacitaire, violence symbolique

Je choisis subjectivement, en complément, quatre citations extraites du dictionnaire.

« le discours de la ”banlieue” est une construction sociale et idéologique conduisant à dépolitiser la question des quartiers populaires en présentant les difficultés rencontrées par leurs habitants comme n'étant pas sociaux et économiques mais comme relevant de facteurs culturels, d'une non-mixité, de facteurs architecturaux, d'une carence éducative des (mauvais) parents, d'une présence immigrée trop importante, des jeunes ”décivilisés”, etc. »

« L'ethnicité, du point de vue blanc, c'est nécessairement les ”autres”. »

Rapports sociaux (de classe, de sexe, de race, d'âge, etc.) : « Ces rapports s'interpénètrent en permanence. Ils sont à la fois irréductibles les uns aux autres et travaillés par un même système social, une même logique dominante les faisant agir pour sa reproduction. »

Traitement égal de personnes ayant des situations inégales : « La jurisprudence considère que l'application d'une règle uniforme à des situations différentes peut violer le principe d'égalité et être discriminatoires. »

Au delà des limites signalées, un ouvrage de très bonne tenue et source de multiples réflexions, plus intéressant, pour ses parties semblables, que le discutable « Dictionnaire des racismes, de l'exclusion et des discriminations » sous la direction d'Esther Benbassa (Larousse, Paris 2010)

Un apport pour celles et ceux qui pensent que :

La convergence nécessaire entre dominé-e-s implique de ne pas oublier que les opprimé-e-s ne peuvent se libérer qu'elles/eux-mêmes, que les conditions pour penser, analyser et agir contre les oppressions, les dominations nécessitent qu'elles/ils s'auto-organisent, y compris dans des cadres non mixtes.

La division sexuelle du travail (et l'assymétrie des rapports sociaux de sexe, le système de genre, le sexisme, la domination des hommes sur les femmes) nécessite d'intégrer les apports du féminisme, dans toutes les analyses sociales.

La racialisation d'une fraction importante des couches salariées, avec l'ensemble de ses effets matériels (y compris sur celles et ceux qui deviennent “privilégié-e-s” de n'en être pas les objets), ne saurait être passé sous silence. Que se soit la couleur blanche invisibilisée et celles des “autres” ainsi stigmatisé-e-s, la catho-laïcité de l'Etat français opposée aux pratiques religieuses des “autres” ainsi “barbarisé-e-s”, etc., tout cela relève, non d'un à coté, mais, bien du coeur des rapports sociaux.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le discours de la ”banlieue” est une construction sociale et idéologique conduisant à dépolitiser la question des quartiers populaires en présentant les difficultés rencontrées par leurs habitants comme n’étant pas sociaux et économiques mais comme relevant de facteurs culturels, d’une non-mixité, de facteurs architecturaux, d’une carence éducative des (mauvais) parents, d’une présence immigrée trop importante, des jeunes ”décivilisés”, etc.
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l n’y a pas pour les membres de ce collectif de connaissances qui ne soient pas situées, ni de subjectivité qui pourrait se prétendre au-dessus de la mêlée des affrontements sociaux, quand bien même elles se doteraient des méthodologies scientifiques les plus poussées. Tant que subsiste la domination, il n’existe pas de tierce position qui se situerait ni du coté des dominants, ni du coté des dominés.
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La notion d’exploitation a été, selon nous, clarifiée de manière satisfaisante par Karl Marx comme étant la part du travail du dominé non payée par le dominant. Une approche dogmatique courante tend d’une part à limiter l’exploitation dans l’entreprise et, d’autre part, à une période historique précise (celle du mode de production capitaliste). Il y a, selon nous, exploitation à chaque fois qu’une part du travail d’un acteur social est non payée et appropriée par un autre acteur social de manière privative. Ce type de domination a existé avant le capitalisme et peut exister en dehors de l’entreprise (dans la famille dans le cadre du mode de production domestique , par exemple).
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La jurisprudence considère que l’application d’une règle uniforme à des situations différentes peut violer le principe d’égalité et être discriminatoires.
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L’ethnicité, du point de vue blanc, c’est nécessairement les ”autres”.
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Vidéo de Saïd Bouamama
Saïd Bouamama – Capitalisme, flux migratoires et révolution africaine.
Saïd Bouamama est sociologue, chargé de recherche à l’IFAR (Intervention, Formation, Action, Recherche) de Lille, et militant pour l’égalité des droits. Il est également auteur de nombreux livres, dont Les Discriminations racistes : une arme de division massive (L’Harmattan, 2010), et dernièrement, Figures de la révolution africaine : De Kenyatta à Sankara (La découverte, 2014) Dans cet entretien accordé à Thinking Africa, Saïd Bouamama expose les relations entre la recherche et le militantisme, apporte un éclairage historique sur les rôles et l’impact du capitalisme et du colonialisme en Afrique, décrypte les masques idéologiques et agendas politiques derrière les flux migratoires (Afrique vers Europe) et explique pourquoi la jeunesse africaine vit actuellement son 3ème âge politique.
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