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Critique de si-bemol


Tout commence très simplement : un chien errant dans les rues qui gémit de douleur, un geste de charité, de compassion, et voilà Bouboul - pauvre bête souffrante qui vient de se faire ébouillanter par un cuisinier - dûment adopté par le Professeur Philippe Philippovitch. Histoire a priori tristement banale de maltraitance animale et de sauvetage in extremis, sauf que le Professeur Philippe Philippovitch, chirurgien et chercheur renommé à la pointe de l'innovation, ne voit bientôt plus en ce chien que l'occasion de mener à bien le projet susceptible d'être le couronnement de sa carrière : la conquête et la maîtrise des processus du rajeunissement.

Funestes perspectives pour le pauvre Bouboul… Mais jouer les apprentis sorciers n'est généralement pas une bonne idée et il s'avèrera bien vite que greffer à un chien l'hypophyse et les testicules d'un jeune voyou qui fut de son vivant voleur, menteur et alcoolique n'en est pas une non plus. S'ensuit une série d'aventure rocambolesques où le chien Bouboul, métamorphosé en humain et rebaptisé Bouboulov, fera subir avec jubilation à son entourage tous les sévices que lui inspirera sa nouvelle personnalité de crapule revancharde, méchante et bornée… caricature de l'homme soviétique en gestation.

Avec “Coeur de chien” (écrit en 1925 mais qui ne sera pas publié en Russie avant 1987), petit texte qui renouvelle, sur le mode animal, le thème de Frankenstein et anticipe également les expérimentations médicales qui seront plus tard monnaie courante dans le monde communiste, Boulgakov s'en donne à coeur joie dans la description de tout ce qu'il peut y avoir de plus médiocre et de plus laid dans la nature humaine tout en se livrant - sous les apparences inoffensives d'un conte grotesque - à une critique en règle de la société corrompue, mesquine, vulgaire et bêtement fanatique de la Russie soviétique des années vingt.

C'est ironique, drôle, mordant, plein de fantaisie et parfois glaçant, mais n'a pas, loin s'en faut, l'envergure de ce qui sera, bien des années plus tard, son chef-d'oeuvre : “Le Maître et Marguerite”. Un roman intelligent et distrayant mais un peu anecdotique, comme le sont bien souvent les oeuvres de jeunesse des futures grandes plumes de la littérature.

[Challenge Multi-Défis 2020]
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