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Critique de candlemas


Ecrivain voyageur brut et décalé, mais aussi photographe et iconographe, à la fois esthéte et ascète, Nicolas Bouvier livre en 1963 ce récit illustré de voyage réalisé 10 ans plus tôt, à l'âge de 24 ans, en compagnie de Thierry Vernet, à travers l'ex-Yougoslavie, la Turquie, l'Iran, le Pakistan. Suisses bien-nés évadés d'une jeunesse bobo en pré-révolution culturelle, ces deux zigotos affrontent avec une philosophie remarquable de détachement et d'observation curieuse de la prochaine rencontre, les affres d'un voyage à la dure, à bord de leur minuscule Fiat Topolino. Tournant le dos au confort de son milieu, Nicolas Bouvier, aussi loin du tourisme de masse que du voyage exotique des écrivains du Siècle précédent, se frotte aux "vrais gens", aux logeuses, mendiants, saltimbanques, mécanos, militaires et entremetteurs de tous poils qui jalonnent son parcours rude et accidenté. D'embûches en attente, de hasard heureux en coups de blues, les deux compères parviennent à toucher du doigt cette liberté recherchée, paradoxalement au contact des plus pauvres luttant chaque jour pour leur survie, comme si l'état de nécessité et la lutte donnaient son véritable prix aux instants de plénitude durement gagnés. C'est ainsi qu'inspiré par les gitans du kosovo, les poètes de bazar iraniens et les routiers pakistanais, Nicolas Bouvier écrit de si belles pages, existentialistes et contemporaines, parfois lyriques et mystiques, et parfois crues et sauvages comme les sommets pakistanais clôturant l'ouvrage.
Ai-je aimé ? En hédoniste frileux et jaloux de son confort, que questionne cette recherche d'âpreté et de souffrance, pas tout, loin de là. Mais ce fut un joli mouvement de balancier après la lecture exotique et si "coloniale" de Pierre Loti. Et impossible de rester indifférent. Fausse route peut-être que cette aventure qui finit mal, mais une vaie leçon de voyage : "le bon voyageur n'a ni plans établis ni destination". Lao Tseu.
Et NIcolas Bouvier renchérit : « On ne voyage pas pour se garnir d'exotisme et d'anecdotes comme un sapin de Noël, écrira-t-il, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu'on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels. »
Lessivé, souvent malade, amaigri et hagard, comme un fumeur d'opium abstinent, confronté mais resté sur la brèche en équilibre précaire, il nous laisse à la fin de son récit un peu groggy, séchés par l'aride confrontation du voyage, mais aussi changés -et n'est ce pas là le but de ce type de lecture, comme du voyage...- dans notre vision du beau, de l'art et son rapport au vivant.
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