Un homme n’a pas le droit de toucher une femme qui lui a dit non. De la légitime défense, tout simplement. S’il n’avait pas mis ce film porno, pris cette pilule et insisté pour la toucher ! S’il ne lui avait pas parlé comme il lui a parlé ! Elle ne se sent pas coupable. Être un vieux pervers n’est pas une excuse.
Dans sa chambre, Lucia ne fait jamais grand-chose à part fixer le plafond ou le poster de Jeter et, de temps à autre, feuilleter les pochettes de ses CD. Parfois elle contemple sa galerie d'ours en peluche, qui la plonge dans un embarras parfaitement compréhensible; A douze ans, elle a essayé de les mettre à la poubelle, mais Adrienne les a récupérés, les a reposés sur son lit et a déclaré "Ils m'ont coûté cher, ces putains d'ours."
Tu médites, toi?
Autrefois, beaucoup. Maintenant j'essaie simplement de me détendre. C'est ce que j'ai fait ces deux dernières années. Me détendre. Un jour, j'ai lu quelque chose qui m'est vraiment resté. On a tous des ennuis, on a tous des peines, des tragédies, des traumatismes... C'est ce qui nous définit. On peut être un lâche et en même temps la personne la plus courageuse du monde parce qu'on agit malgré tout. C'est normal d'avoir peur. C'est nécessaire,en fait.
-Ça signifie que l'amitié est la plus belle des histoires d'amour. Et que les hommes gâchent tout, mais parfois des climatiseurs leur tombent sur leur putain de tête quand ils marchent dans la rue.
Elle n'aime pas trop les ordinateurs. C'est étonnant, mais c'est comme ça. Elle n'aime s'en servir ni pour les jeux, ni pour la musique, ni pour rien. Quand elle se trouve devant un ordi, elle a l'impression d'être dans une version idiote du futur où les gens tapotent sur des claviers compliqués en fixant des écrans dans des boites.
Les actrices sont censées vivre au sommet des collines de Hollywood, dans des maisons entièrement en verre où, vêtues de peignoirs rouges sexy, elles dansent devant leurs fenêtres même quand elles sont vieilles, non ? C’est comme ça qu’elle se l’imagine. Si Wolfstein était une actrice, on la promènerait en limousine. Elle aurait des serviteurs jeunes et mignons qui lui apporteraient de la bière sur un plateau. Ah, parfait Joseph, merci, c’est exactement la bonne dose de froid. C’est vraiment comme ça qu’elle le dirait ? Dose de froid, ça sonne bizarre.
Lucia a déjà bu une ou deux bières dans sa vie. Une fois, lors d’un pique-nique près du campus de l’université maritime de SUNY, un mec de sa classe l’a emmenée derrière une voiture et lui a filé une Coors Light. Elle était glacée mais n’avait pas vraiment de goût. La seconde fois, c’était au Alfie’s Place près de la Cross Bronx. Big Paulie, un type de Skyville qui est brièvement sorti avec Adrienne, était si heureux de la victoire des Yankees qu’il a payé une bière à tout le monde, y compris à elle.
Le passé, c’est le passé. Mon comportement était uniquement dû au fait que Maria manquait à ses devoirs d’épouse. Le lit conjugal était froid. Glacial. Et il arrive qu’un homme ait besoin de chaleur.
Soeur Dorothy plonge la main dans la poche de son pantalon bleu, sort une petite flasque argentée et verse un peu du liquide qu'il contient dans son café.
- Notre petit secret, dit-elle.
Elle remet la flasque dans sa poche et mélange l'alcool avec son petit doigt.
- Vous êtes alcoolique ? Comme c'est original...
- Tu connais beaucoup de nonnes alcooliques ?
- J'habite dans un quartier irlandais du Bronx. Tous les prêtres et les nonnes que je connais sont des alcoolos.
- Une vraie malédiction, dit soeur Dorothy en teintant les mots d'un accent irlandais joliment chantant.
En face, ça crie. Encore cette Adrienne qui passe un savon à sa fille. Sa voix évoque une poubelle métallique traînée sur un trottoir.
La liberté est une chose étrange. Quand on l'a, on n'a pas toujours besoin ou envie que ça dure.