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Citations sur Rwanda : Mille collines, mille douleurs (16)

La communauté internationale refusa d’intervenir. Et en trois mois, un million de Tutsis furent massacrés. Les Hutus avaient bien « travaillé ». La transgression de toutes les valeurs était passée par un détournement sémantique, même les mots avaient été trahis. Les tueurs avaient qualifié leurs voisins de traîtres, de complices, de cancrelats et les avaient considérés comme un « ennemi intérieur ». Mais cet « ennemi intérieur », atrocement mis à mort, ne sommeillait-il pas en chaque citoyen ? N’était-ce pas l‘âme du Rwanda ancien qu’il s’agissait de bannir à tout jamais et d’offrir en sacrifice ? L’ordre symbolique d’autrefois, si longtemps déconsidéré, mis sous le boisseau, qualifié d’étranger, ne s’était-il pas vengé en surgissant dans le réel ? La violence guerrière, qui naguère s’exprimait dans le chant, la danse, la subtilité de la langue – des voies trop longtemps obturées – n’avait-elle pas explosé dans le passage à l’acte ? Le refoulé n’était-il pas revenu en force ?
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Les filles tutsies s’avançaient. Nous admirions le modelé de leurs bras écartés, la longueur de leurs doigts, la finesse de leurs mains qui ondulaient au son de la musique. Tout en elles évoquaient l‘animal sacré, fondement de l’identité rwandaise, la vache Ankole aux longues cornes recourbées, au pelage soyeux, la vache que l’on caresse, que l’on respecte. Chaque animal possède son nom propre, plus de cent qualificatifs désignent la couleur ou le dessin des robes.
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Même si les différences de statut social étaient réelles, nul n’était considéré comme « étranger » au Rwanda. Personne n’aurait jamais songé à dire que les Tutsis étaient venus d’ailleurs. Cette image de l’étranger, du groupe venu de l’extérieur du territoire, a bien été amenée par les Européens.

(propos de Jean-Pierre Chrétien)
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Il me semble aujourd’hui qu’en plus de l’enchainement fatal des circonstances (la préparation matérielle, le conditionnement des esprits, la guerre, le rôle de la communauté internationale), ce crime absolu a été une sorte de paroxysme des manipulations de l’histoire, le prix maximal que le peuple rwandais a été obligé de payer pour sortir des chaînes de la domination coloniale et postcoloniale. Le génocide de 1994 fut un événement à la fois dévastateur et fondateur. Une table rase sur laquelle s’édifie désormais autre chose. Bien ou mal, mais autre chose.
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Pour franchir les barrières défendues par des jeunes qui hurlaient « A mort les Tutsis » et triaient les passants en examinant leur carte d’identité, les soldats belges chargés d’évacuer les expatriés – et eux seuls – tiraient en l’air. Lorsque les Casques bleus belges quittèrent l’ETO, l’Ecole technique officielle, où des milliers de Tutsis s’étaient réfugiés, ils lâchèrent des rafales pour forcer les désespérés qui s’accrochaient aux pare-chocs à lâcher prise. « C’est ici que j’ai laissé une partie de mon âme » dira plus tard l’aumônier des paras, le père Quertemont. Ces soldats s’étaient pourtant engagés à protéger les Tutsis qu’ils avaient amenés à l’ETO. Mais sur ordre de Bruxelles, ils abandonnèrent à la mort 2500 personnes. A l’extérieur de l’école, les Interhahamwe qui attendaient la curée poussèrent des cris de joie.
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J’ai vérifié la pertinence du vieil adage selon lequel après quinze jours dans un pays on écrit un livre, après quinze ans on n’écrit plus rien.
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Nous ignorions que la langue rwandaise elle-même, ce kinyarwanda poli et enrichi par des générations de conteurs, de poètes de cour, d’historiens, avait été simplifié, sinon mutilé, privé de ses nuances et de ses subtilités.
Ignorance fatale. Durant des siècles, la danse, la musique, la « belle parole » poétique avaient été les arts majeurs du Rwanda, exprimant les émotions, les sentiments, transformant en beauté l’agressivité, le chagrin, la rancune. Au sein de la diaspora, cette culture était donc devenue un instrument de résistance : une manière de transmettre aux jeunes générations la connaissance et la flamme d’une tradition séculaire, mise sous le boisseau du pays d’origine. Car depuis l’accession au pouvoir des Hutus avec l’indépendance, seules étaient encore tolérées les danses venues du Nord. Piétinements et sauts de guerriers terriens, manifestation de force et de puissance. Quant aux femmes, encadrées par les religieuses et les ONG, elles se contentaient de broder des nappes et des serviettes vendues aux touristes. A l’intérieur des frontières, l’essentiel de la culture rwandaise était occultée, interdite.
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Mais si, de nos jours encore, je retourne au Rwanda autant que possible, c’est aussi parce que plus j’y vais, plus je sais que je ne sais rien. L’âme de ce pays m’échappe, sa vérité m‘est dissimulée. Malgré les années et les amitiés qui se sont nouées, mes interlocuteurs se dérobent ou tiennent des propos convenus.
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Je sais que les Rwandais, malgré les portables et les ordinateurs, malgré les immeubles modernes et les routes asphaltées, croient encore aux prophètes. Dans le secret et le silence de leur âme.
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Les missionnaires voyaient une lutte raciale là où existaient en réalité des conflits sociaux.
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