Lorsqu’on examine les préoccupations des artistes du Quattrocento, toutes extrêmement présentes chez Verrocchio, et par suite chez Léonard, lorsqu’on considère l’incroyable volonté de progrès qui anime ces "artistes-artisans" - qui ont tout à découvrir, qui, en moins d’un siècle découvrent tout par eux-mêmes (les principes de la perspective, la science de l’anatomie, les lois de lumière...) - on comprend en quoi cette époque se distingue des autres, et ce qui la rend unique : c'est un âge héroïque dont les chefs-d’œuvre sont chacun comme un trophée, la marque d’une conquête.
C'est au moment où ils travaillent le moins que les esprits élevés en font le plus;ils sont alors mentalement à la recherche de l'inédit et trouvent la forme parfaite des idées qu'ils expriment ensuite en traçant de leurs mains ce qu'ils ont reçu en esprit.
J'ai rejeté la viande depuis très tôt dans mon enfance et le temps viendra où les hommes, comme moi, regarderont le meurtre des animaux comme ils regardent maintenant le meurtre de leurs semblables." (...) Tu as défini l'homme comme le Roi des Animaux ; moi par contre, je dirai que l'homme est le roi des fauves féroces parmi lesquels tu es le plus grand. N'as-tu pas effectivement tué et mangé les animaux pour satisfaire les plaisirs de ton palais, te transformant toi-même en tombe pour tous ces animaux ? La nature ne produit-elle pas de la nourriture végétale en quantité suffisante pour te rassasier ?
Savoir écouter c'est posséder, outre le sien,
le cerveau des autres.
Le peintre Cennino Cennini, dans son célèbre Livre de l’art ou Traité de la peinture, conseille au "jeune homme que l’amour de l’art enflamme" d’obéir totalement au maître choisi : il parle sans ambages "de se mettre en servitude" pour le plus long temps possible.
Treize ans lui semblent une durée convenable pour passer d’apprenti (discepolo) à compagnon (garzone), puis de compagnon à maître (maestro) : un an consacré au "dessin sur tablette", puis six pour se familiariser avec le matériel qui ne s’achète pas tout prêt, qu’il faut confectionner soi-même - pour apprendre à fabriquer les brosses, cuire les enduits, à maroufler les toiles sur panneau de bois de tilleul ou de saule, à reconnaitre et à préparer les couleurs, qui sont broyées presque quotidiennement parce que l’on n’a pas les tubes ni les liants qui permettraient de les conserver en pâte, à appliquer l’or des fonds, épousseter, gratter, égrener, retailler" ; puis six encore pour apprendre à colorier, à "orner de mordants", à faire les draperies d’or, à œuvrer sur mur — et cela "en dessinant toujours, en n’abandonnant jamais le travail, ni jour ouvrable ni jour férié »...
Chez nous, les hommes devraient naître plus heureux et joyeux qu'ailleurs, mais je crois que le bonheur vient aux hommes qui naissent là où l'on trouve de bons vins...
Les influences célestes peuvent faire pleuvoir des dons extraordinaires sur les êtres humains ; c'est un effet de la nature, mais il y a quelque chose de surnaturel dans l'accumulation débordante chez un même individu de la beauté, de la grâce et de la puissance ; dans quelque domaine que ce soit, chacun de ses actes est si divin que tout le monde est éclipsé et l'on saisit clairement qu'il s'agit d'une faveur divine ne devant rien à un effort humain. Tel fut Léonard de Vinci. [Giorgio Vasani]
La peinture est une poésie qu'on voit au lieu de l'entendre, la poésie une peinture qu'on entend au lieu de la voir.
En cela, la révolution véritable ne commencera que trente ans plus tard, dans la génération suivante, avec Michel-Ange. Michel-Ange sera le premier à ne se soumettre à aucune autorité ; il refusera de s'intégrer à un atelier, aussi bien que d'en fonder un ; l'idée d'une œuvre collective lui fera horreur ; de l'ébauche à la finition, il voudra que chacune de ses œuvres soit sienne, exclusivement.
Toujours dans une page de Léonard, on trouve cette réflexion, fort peu scientifique : "L'homme qui accomplit le coït avec retenue et mépris fait des enfants irritables et indignes de confiance ; en revanche, si le coït se fait avec grand amour et grand désir des deux côtés, l'enfant sera de grande intelligence, et plein d'esprit, et de vivacité, et de grâce."