- Justement. Il te fera confiance plus qu'à quiconque. Quant à jouer la comédie; tu y arriveras parfaitement, tu verras. Regarde autour de toi. Qui encore les moyens d'être sincère ? Personne à part les collaborationnistes convaincus. Tout le monde ment, tout le monde fait semblant. La vie quotidienne est devenue un vaste théâtre où chacun porte un masque. Comme les compagnons de Jéhu lorsqu'ils se retrouvent dans la cave de la rue Notre Dame....
Marcel Bascoulard était l'un des personnages les plus énigmatiques de la cité berruyère. Il dessinait et peignait depuis sa tendre enfance, avait exposé à Paris et suivi quelques temps les cours de l'école des Beaux- Arts de Bourges.
Les amateurs et critiques d'art les plus renommés reconnaissaient son talent inné et la justesse de son trait. il excellait notamment dans la reproduction des monuments de la vieille ville, le palais Jacques- Cœur, la cathédrale Saint-Etienne ou le musée Cujas qu'il croquait par tous les temps et à toute heure du jour et de la nuit.
Mais, il avait vite tourné le dos à la capitale et aux Beaux-Arts pour adopter cette vie de dénuement où il se complaisant depuis des années.
On croise des êtres avec lesquels on aurait aimé faire un bout de chemin mais on les voit soudain glisser loin de soi, comme de l'eau s'écoulant d'une main qui ne sait la retenir.
Que la guerre finisse et que l’on vive en paix à tout jamais, cachés à l’ombre de ce saule. D’ailleurs, pourquoi faut-il que les saules pleurent ? Ils ont droit au bonheur eux aussi. Pourquoi n’y aurait-il pas des saules rieurs, des saules heureux ? Tiens, et si nous donnions son nom à ce lieu enchanteur qui un jour sera à nous ? Le saule rieur, ce serait bien, non ?
Ces vieilles histoires avaient beau remonter au XIIe siècle, on préférait s’en tenir à distance, moins par raison que par superstition. Les voleurs et les amoureux en tiraient avantage en y élisant des résidences de fortune.
Quand on est un jeune homme « de bonne famille », il faut à tout moment se justifier des privilèges dont on dispose et dont les autres sont privés. À force, il finissait par avoir honte d’avoir vu le jour dans une famille aisée. Aurait-il pour autant préféré naître pauvre et nécessiteux ? Certainement pas. Si la richesse est parfois un peu lourde à porter, la misère, elle, est intolérable.
Les Français ne se laisseront jamais faire ! Ils préféreraient mourir jusqu’au dernier plutôt que de subir la présence d’étrangers chez eux. Mon père m’a suffisamment rabâché son couplet avec sa guerre. L’amour sacré de la Patrie, les héros morts pour la France et tout le tremblement !
Tous les hommes valides de 20 à 48 ans avaient été mobilisés pour aller faire le pied-de-grue sur la ligne Maginot, cette « drôle de guerre », comme l’avait qualifiée l’écrivain Roland Dorgelès. Pourtant, pas plus qu’aucune autre, cette guerre n’avait rien de drôle. Cette expression désinvolte provenait en réalité d’une erreur de traduction de phoney war, « fausse guerre », ou « guerre bidon », un terme utilisé par la presse anglo-saxonne que l’auteur des Croix de bois avait confondu avec funny war. En Allemagne, on l’appelait la Sitzkrieg, la « guerre assise », allusion ironique à la Blitzkrieg, la « guerre éclair », lancée par la Wehrmacht depuis son invasion de la Pologne. Cela dit, qu’elle soit considérée comme drôle ou bidon, la guerre amoncelait des nuages noirs à l’horizon de l’Est, dans un ciel où l’orage ne demandait qu’à éclater.
"Oubliez les heureux"
Alphonse de La Martine.
Rien, décidément, n'était simple dans cette guerre. Zoé avait cru au départ à un conflit avec deux camps en face: les bons et les méchants, les Français et les Boches. Mais voilà qu'en un an à peine tout était devenu beaucoup plus compliqué, que le noir et le blanc se mêlaient dans un camaïeu de gris. Certains Français comme Jules Marchandot tiraient profit de la situation pour exploiter leurs prochains en se remplissant les poches, tandis que des Allemands comme Otto risquaient leur vie pour des inconnus.