Quelques temps plus tard,je reçus un coup de fil de Delon,qui me demanda quand je commençais le tournage des Cousins.Je lui expliquai que ce n’était pas pour tout de suite et il me coupa en disant:
Pour Tous les garçons s’appellent Patrick,il me confia simplement qu’il avait un truc sur un mec et deux filles.Je n’en sus pas plus jusqu’au tournage,il fallait lui faire confiance.D’ailleurs n’aurait eu l’idée de lui parler de psychologie ou de rapports entre les personnages.Il sortait un minuscule papier,pour ne pas dire qu’il le tirait au hasard de sa poche,de son paquet de cigarette ou de sa boîte d’allumettes,et me le tendait: Il suffisait juste de faire ce qu’il disait,rien d’autre,un point c’est tout.Heureusement,il savait parfaitement où il allait.Avec sa Bigard jaune entre les doigts,ses verres fumés qui masquaient son regard et sa voix blanche et traînante,on le sentait à la fois très sur de lui,complètement à ce qu’il faisait et ailleurs,inaccessible.
Étrangeté qui ne me déplaisait pas et que je retrouvai avec plaisir,quelques années plus tard,dans Une femme est une femme.
Roger Nimier, que j'ai bien connu, était le contraire de Paul. Timide et effacé, il avait une allure de notaire de province et s'habillait comme un fonctionnaire. Avec son cartable sous le bras, on aurait pu facilement le prendre pour un étudiant ou un jeune professeur de lettres. Mais, dès qu'il ouvrait la bouche, c'était un festival d'humour, d'intelligence, de précision. Il ne parlait jamais pour ne rien dire. Tout l'inverse de Gégauff. Autant l'un était baroque et fou, autant l'autre était classique et sage. Les deux plaisaient aux femmes pour des raisons opposées. On avait envie de se laisser emporter par Gégauff et de prendre Nimier dans ses bras pour le consoler.