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Critique de Syl


Pour mieux apprécier ce roman, il faut d'abord se pencher sur la vie de l'auteur. Dans cette histoire, elle est Anne-Agnès qui confie au lecteur des morceaux de son journal mis en scène. Si elle agrémente ses écrits d'une romance fantasmée, bien des passages de ce livre racontent son vécu.
Anne est la cadette de la famille Brontë. A l'âge de dix-neuf ans, elle travaille déjà comme gouvernante ; dans son premier poste, elle n'y restera pas plus de deux trimestres et dans son second, elle y restera quatre ans. Orpheline de mère à un an, elle a vu partir au cours de sa jeune existence, ses soeurs et son frère, morts de la tuberculose. Elle mourra également de cette maladie en 1849, à vingt-neuf ans. Ces décès doivent être précisés car ils ont façonné son esprit. Deuxième point important à souligner, à Haworth, lorsque son père le vicaire Brontë s'est retrouvé seul, il a fait venir sa belle-soeur Elizabeth Branwell pour s'occuper des enfants. Femme aimante, attentionnée, elle avait aussi toute la rigueur et la morale d'une méthodiste. Sévère, elle voulait donner une éducation basée sur « l'effort et l'étude ». de la fratrie, on dit qu'Anne a été la plus sensible à cette pédagogie et on le perçoit bien dans « Agnès Grey » où elle y parle principalement de religion, valeurs et abnégation. Ça peut sembler ennuyeux, mais c'était sa vie, à replacer dans le contexte, époque-lieux-société.
Jeune fille humble et réservée, voire même austère, elle a dû dans le secret de sa solitude, rêver… beaucoup rêver.

Même si Agnès est heureuse avec ses parents et sa soeur Mary, son aînée, elle désire quitter sa maison et devenir indépendante. Pour les femmes de son rang, il n'y a alors que trois emplois qui sont admis par la bonne société, dame de compagnie, institutrice et gouvernante, et c'est sur ce dernier que son choix s'est porté. Gouvernante…
D'abord chez de riches commerçants, les Bloomfield, où elle n'y passe pas une année. La famille entière est pleine de suffisance et de mépris à son égard ; les enfants se montrant la plupart du temps désobéissants, cruels et capricieux. Agnès constate que cette vulgarité et ce pédantisme sont tout simplement un manque d'éducation. de plus, ce n'est pas auprès des domestiques qu'elle peut rechercher du réconfort car elle décèle une discrimination même chez eux. Elle n'appartient ni à l'aristocratie, ni à la bourgeoisie, ni aux classes dites inférieures.
Elle trouve une autre place chez les Murray où elle doit s'occuper de trois jeunes filles. Elle y restera plus longtemps. Autre milieu, autre ambiance, elle apprend à composer, à être transparente, avec ces frivoles superficielles et peu cultivées. C'est dans ces pages qu'Anne exprime la piété et sa spiritualité. Agnès fréquente l'église le dimanche et a de quoi dire sur le recteur Hatfield, un homme infatué et peu sympathique. Jusqu'au jour où un vicaire arrive pour le seconder, Edward Weston

Dans la première partie du livre, Agnès fait le dur apprentissage de l'enseignement. Elle apprend beaucoup au contact de cette famille de boutiquiers et ce qui aurait pu la blesser ou la décourager, ne fait qu'entériner son émancipation. La deuxième partie raconte son arrivée à Horton-Lodge. C'est plus léger car il y a l'entrée dans le monde de l'aînée des Murray et un bal. Il s'en dégage également de la tristesse, Agnès ne connaîtra jamais cette aisance et cette insouciance. On discerne dans ce faste, une parade factice et très raisonnée. S'en suit des passages sur l'église, la campagne environnante, les balades, le voisinage et les relations amicales, puis l'arrivée du jeune vicaire. Agnès est une personne effacée, peu sûre d'elle. Quand elle rencontre Edward Weston, elle ressent une attirance qui se renforcera par la suite, mais elle ne fera aucun pas vers lui, acceptera tout juste un bouquet de primevères… On peut dire qu'Edward est le rayon de soleil de ce roman bien taciturne ! En troisième partie, proche de l'épilogue, le père d'Agnès décède et elle doit quitter les Murray pour retourner vivre avec sa mère. Elles commencent une autre vie sur la côte, face à l'océan, et ouvrent une école pour jeunes filles. C'est vivifiant et plein de promesses pour Agnès, surtout lorsqu'elle revoit Edward qui a obtenu une paroisse près d'elle…
Anne voyait-elle son futur ainsi ? C'est une confession douloureuse et amère car dans ses rêves, elle ne semble pas résignée.

« Agnès Grey » est fidèle à Anne, sans emphase, modeste, simple, jusque dans la fin où elle termine par « Et maintenant, je pense en avoir dit assez ». Cette petite phrase en dit long sur sa modération, sa retenue. Son livre n'a pas la passion du roman d'Emily, le mystère du roman de Charlotte, ou l'ironie mordante de Jane Austen, mais il est intéressant car il témoigne de la condition des gouvernantes en ce temps et de la société victorienne. Elle livre également une réflexion sur le rôle des parents dans l'éducation de leurs enfants.
A lire, pour lui rendre hommage…
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