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Critique de berni_29


Mes lectures d'autrices du XIXème siècle se suivent et ne se ressemblent pas... Après Jane Austen, me voici chez Anne Brontë, oui vous savez la benjamine de la fameuse fratrie.
L'univers littéraire des seules soeurs Brontë que je connaissais jusqu'à présent, - Charlotte et Emily, m'ont entrainé dans des territoires romanesques où se côtoient le sombre, le gothique, le morbide...
Anne Brontë est sans doute moins connue que ses deux autres soeurs, elle partage cependant deux points communs avec ses aînées : elle fut à son tour une femme de lettres et elle connut un destin tragique, la mort la fauchant elle aussi à la fleur de l'âge.
Agnès Grey est son premier roman. Il est pour une large part autobiographique, le roman étant fondé sur la propre expérience de l'autrice comme gouvernante et préceptrice.
Ici on est très éloigné de la dramaturgie noire qu'on peut rencontrer dans Jane Eyre ou encore dans Les Hauts de Hurlevent.
J'ai abordé ce roman avec l'attention qu'on porte lorsqu'on est autorisé à ouvrir un journal intime.
Agnes Grey est la fille du pasteur d'un village du nord de l'Angleterre, entouré de landes à perte de vue. Ses parents ayant subi un revers de fortune, Agnes Grey décide de les aider financièrement. Elle quitte le presbytère familial pour confier ses services à une riche famille aristocratique, les Bloomfield.
Elle va occuper l'un des rares emplois permis aux femmes respectables au début de l'ère victorienne : gouvernante d'enfants de riches. Dès les premiers jours, elle doit faire face non seulement à l'indiscipline d'enfants gâtés plus passionnés à chaparder les nids, à étrangler les oiseaux dans leurs si douces mains qu'à apprendre leurs leçons, mais aussi aux humiliations des parents qui prennent systématiquement la défense de leurs « adorables » petits chérubins.
Ah ! Ces sales gosses ! À sa place, moi je les aurais... Pardon, je m'emballe... Mais qui voudra encore croire après cela à l'innocence éperdue de l'enfance...
L'écriture, simple, fluide, certes très académique, est d'une très belle tenue.
Le roman vaut surtout pour la peinture, brossée par petites touches mais sans concession, de cette riche bourgeoisie terrienne de l'ère victorienne qui écrase la condition de femmes modestes, société dont les principes fondés sur le rang et l'argent se heurtent à toutes valeurs sociales et morales.
Ce roman avait tout pour égayer mes pensées, j'avais posé mes pas dans la douceur de la narratrice, dans la beauté de ses joues qui rosissent de confusion, son esprit oscillant entre volontarisme et résignation, mais le récit très conventionnel offre finalement peu de nuances d'Agnes Grey, de sorte que l'ennui est venu rapidement au gré de ma lecture.
Dieu aussi est venu s'en mêler, le bougre. Un des personnages a beau rétorquer à notre héroïne que « Dieu est amour », la belle affaire ! je vous avoue que j'ai une autre opinion de ce sentiment exalté...
J'étais pourtant tout émoustillé lorsque j'ai lu cette citation de la narratrice qui commençait pourtant bien :
« J'ai commencé ce livre avec l'intention de ne rien cacher, afin que ceux qui le voudraient pussent lire dans le coeur d'une de leurs semblables ; mais nous avons des pensées que nous ne voudrions laisser voir qu'aux anges du ciel, et non à nos frères les hommes, pas même aux meilleurs et aux plus bienveillants d'entre eux. »
Alors je l'ai laissée folâtrer vers les anges du ciel et de la terre.
J'ai poursuivi ma lecture avec ce bel ennui traversant ce ciel pâle d'automne au-dessus de la campagne anglaise. J'ai tenté d'effleurer les pages, cherchant à éveiller la sensation mutine d'un battement d'ailes, mais leur mélancolie délicieusement désuète ne concédait rien.
Il n'en demeure pas moins un roman de qualité, méconnu tout comme son autrice, méritant d'être déplacé vers la lumière parce qu'il a des choses à nous dire sur les vicissitudes de la condition féminine, bien davantage que sur les états d'âme et les sentiments de sa narratrice.
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