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Critique de Fandol


Le Pain perdu est l'histoire d'une vie, celle d'Edith Bruck, racontée par elle-même, de façon simple, mais toujours terriblement émouvante.
La petite Edith, surnommée Ditke, a vu le jour dans un village hongrois. Elle a six frères et soeurs dont certains, plus âgés, ont déjà quitté leur famille juive dont la mère est très croyante, affirmant que c'est Dieu qui lui a donné ses enfants. Ainsi, elle néglige le rôle du père, Stein Schreiber, qui, en 1942, est exclu de l'armée parce que juif. Ce gagne-misère, comme Ditke le qualifie, sent venir la pire des catastrophes confirmée par la présence de seulement trois personnes à l'enterrement de la grand-mère de ses enfants.
Dans la vie du village, la mise à l'écart des Juifs ne suffit pas. Lorsque Ditke, première de sa classe, croise le maître d'école, celui-ci lance un « Heil Hitler ! » qui en dit long sur ce qui se prépare.
Vexations, humiliations, interdictions, petites agressions, cela n'est pas le fait de militaires ou de policiers faisant la promotion du nazisme mais tout simplement d'habitants du village avec lesquels la communauté juive vivait en parfaite harmonie, jusque-là.
Ditke vient d'avoir 13 ans quand les gendarmes brisent la porte d'entrée de leur modeste maison pour expulser toute la famille. Justement, ce matin-là, sa maman avait préparé des miches de pain. Il ne lui restait plus qu'à les enfourner quand le malheur est arrivé.
Quand toute la famille se retrouve embarquée dans un train avec beaucoup d'autres juifs, la mère de Ditke ne parle que de son pain perdu abandonné à la maison.
Le ghetto, les insultes, le pillage de tous leurs objets précieux, l'engrenage infernal est enclenché. Birkenau, Auschwitz, les chiens, la séparation et ces vies qui partent en fumée, la négation de toute humanité : l'extermination d'un peuple.
Edith Bruck raconte l'enfer qu'elle a vécu, donne des nouvelles de ses frères et soeurs, détaille les souffrances endurées. Il faut marcher, subir les maltraitances infligées par les kapos, assister au suicide de ses amies, constater l'égoïsme des fermiers refusant toute nourriture à ces femmes, à ces enfants et à ces hommes déplacés d'un camp à l'autre et affamés.
Tout cela, je l'ai lu déjà mais le récit d'Edith Bruck est poignant, terriblement émouvant, extraordinairement précis. Il ne faut pas l'oublier, jamais le passer sous silence malgré le temps qui s'écoule inexorablement. le récit, le témoignage de cette jeune fille frôlant souvent la mort, est fondamental.
Bien sûr, arrivent les soldats US, la libération des camps. Comme les Hongrois ont été déportés en dernier, ils sont rapatriés les derniers. Edith Bruck, alors, constate que leur retour n'est pas très apprécié, que Sara, sa soeur, l'accueille froidement, que dans son village d'origine on la regarde comme une ennemie.
Ditke adore écrire. Judit, sa soeur, fait partie d'un groupe sioniste et veut absolument rejoindre la Palestine. Si Ditke fuit en Slovaquie, elle est dépucelée à 16 ans, à Bratislava. S'ensuit un récit comme une épopée qui emmène notre autrice en Israël, puis en Grèce, en Turquie et enfin à Naples puis à Rome car elle a eu la chance d'intégrer une compagnie de ballet.
Il faut vraiment lire le Pain perdu pour découvrir toutes les étapes d'une vie marquée à jamais par ces années de cauchemar, moments horribles, atroces, programmés et infligés sans le moindre état d'âme à plusieurs millions de personnes dont la plupart ne sont jamais revenues.
Quand Edith Bruck découvre Herculanum et Pompéi, elle imagine avec horreur ce que vécurent leurs habitants foudroyés par une éruption volcanique en l'an 79 de notre ère.
Si Ditke est devenue Edith Bruck, c'est grâce à un extraordinaire courage et une admirable volonté de témoigner.
Pour finir, elle s'adresse directement à Dieu, le tutoie et lui reproche de n'avoir jamais rien donné à sa mère qui, pourtant, l'invoquait, le suppliait plusieurs fois par jour. Elle se pose des questions existentielles, essentielles, mettant en cause une croyance à laquelle sa mère était viscéralement attachée.
Edith Bruck, star en Italie mais inconnue en France, fut très amie avec Primo Levi dont le suicide la bouleversa. Elle s'est consacrée au journalisme, à la télévision, au roman, à la poésie mais surtout à son témoignage sur l'holocauste des Juifs, la Shoah dont le Pain perdu est un élément essentiel.

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