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Connaissez cette vieille dame italienne que les enfants des collèges et des lycées ont surnommée « Signora Auschwitz » ?
« le Pain perdu », d'Edith Bruck, c'est à lire aux éditions du Seuil.
« Voilà, me disais-je, c’est mon pays. » Le mot « patrie », je ne l’ai jamais prononcé : au nom de la patrie, les peuples commettent toutes sortes d’infamie. J’abolirais le mot « patrie », comme tant d’autres mots et expressions : « mon », « tais-toi », « obéir », « la loi est la même pour tous », « nationalisme », « racisme », « guerre » et presque aussi le mot « amour », privé de toute substance.
(page 138)
En fille adoptive de l’Italie, qui m’a donné beaucoup plus que le pain quotidien, et je ne peux que lui en être reconnaissante, je suis aujourd’hui profondément troublée pour mon pays et pour l’Europe, où souffle un vent pollué par de nouveaux fascismes, racismes, nationalismes, antisémitismes, que je ressens doublement : des plantes vénéneuses qui n’ont jamais été éradiquées et où poussent de nouvelles branches, des feuilles que le peuple dupé mange, en écoutant les voix qui hurlent en son nom, affamé qu’il est d’identité forte, revendiquée à cor et à cri, italianité pure, blanche… Quelle tristesse, quel danger !
(page 156)
Papa et maman ont vieilli d’un coup, à quarante-huit ans. Et nous, leurs enfants, nous étions du même coup devenus les parents de nos parents.
(page 46)
Mes tresses retombaient avec les rubans et on m’a rasée, désinfectée, rhabillée avec un long tablier gris, des sabots en bois aux pieds et on m’a accroché une pancarte avec un numéro : 11152, qui serait désormais mon nom.
(page 52)
- Viens, je vais te montrer où est ta mère !
Je sautais à terre et je la suivis en courant à l’extérieur, jusque devant l’entrée de la baraque.
- Tu vois cette fumée ? me demanda-t-elle en m’indiquant un endroit au-delà des nombreux blocs.
- Oui.
- Tu sens cette puanteur de chair humaine ?
- Mais…
- Ta mère était grosse ?
- Un peu…
- Alors elle est devenue du savon comme la mienne !
(page 53)
- Il n’aurait manqué plus que ça, que tu ne sois pas récompensée ! Tu ne fais que réciter des poésies, au lieu des prières ! marmonnait sa mère, mais avec un regard bienveillant et un sourire tout juste esquissé, capable de changer son expression sévère en une douceur magique qui lui rendait beauté et jeunesse.
(page 12)
Nous n’avons jamais connu, nous, ni Purgatoire, ni Paradis, mais l’Enfer, je l’ai connu, où le doigt de Mengele indiquait la gauche qui était le feu et la droite qui était l’agonie du travail forcé, les expérimentations et la mort de faim et de froid.
(page 163)
Depuis sa toute petite enfance, elle rejetait tout ce qui pouvait la faire trop souffrir, elle ne voulait ni le sentir, ni le voir, peu lui importait qu’on la juge superficielle et insuffisamment préparée aux petites ou grandes adversités de la vie. Elle jouait. Elle étudiait. Elle imaginait un avenir d’adulte heureuse, riche, en mesure d’aider ses parents : avant tout, remplacer les dents manquantes de maman, soigner les douleurs osseuses que papa devait à la guerre, et payer l’opération de l’appendicite pour son frère tout pâle que le médecin du village ne venait pas ausculter.
Pour la première fois, je me suis trouvée bien tout de suite, après mon long et triste pèlerinage. « Voilà, me disais-je, c’est mon pays. » Le mot « patrie », je ne l’ai jamais prononcé : au nom de de la patrie, les peuples commettent toutes sortes d’infamie. J’abolirais le mot « patrie », comme tant d’autres mots et expressions : « mon », « tais-toi », « obéir », « la loi est la même pour tous », « nationalisme », « racisme », « guerre » et presque aussi le mot « amour », privé de toute substance.
- Bon voyage ! hurlait avec un rictus sarcastique un soldat hongrois en nous jetant un seau pour nos besoins et en levant son bras libre pour exécuter le salut fasciste, il ferma la porte coulissante et le bruit de la barre métallique extérieure était assourdissant.