Le tour de la France par deux enfants

Véritable best-seller du XIXème siècle, le Tour de la France par deux enfants appartient aujourd'hui à ces ouvrages dont on se méfie. Il est certes ici question de patriotisme, mais également d'une oeuvre unique, qui a marqué les esprits en son temps, bien plus que les livres écrits par Lavisse, Hugo, Sue ou encore Zola.
Partis de Phalsbourg bientôt cédée au nouvel Empire, André et Julien Volden sont lancés dans une quête épique et patriotique. Elle les fera traverser et connaître tout le pays. La nuit passée dans les montagnes des Vosges, les étapes à Epinal, en Auvergne, en Savoie, à Marseille, à Bordeaux, les aventures vécues sur la Méditerranée et tout au long de la côte Atlantique ne sont que les points forts d'un périple qui a passionné des générations d'écoliers et leurs parents. Lu au XXIème siècle, la verve patriotique et les références à la divinité suprême font sourire ou agacent, elles restent révélatrices d'une époque troublée. Tout comme d'autres passages qui paraissent aujourd'hui encore plus dérangeants.
Conçu comme un livre de morale émaillé de leçons de choses sans nombre, l'ouvrage est fort agréable et surtout impressionnant à lire. La présence de l'auteure est perceptible à chaque page, ce qui se traduit par des personnages stéréotypés (qui ne rêverait pas de connaître d'aussi charmants bambins ?). Mais le plus important est ailleurs. Il ne réside pas non plus dans les descriptions et la qualité des nombreuses illustrations, ni dans le savoir encyclopédique vulgarisé avec talent. Car lire ce monument permet de vivre une tradition aujourd'hui oubliée. Une expérience à vivre certes, mais qui ne saurait faire l'économie d'un effort critique.
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Il faut s'apprêter à lire et ouvrage avec un oeil d'enfant. Curieux de la découverte du monde. Celui qui commence aux confins de son village. L'esprit en éveil sur un spectacle dont on voudrait qu'il fût merveilleux.
Tableau noir, encre violette, galoches cloutées, un récit bon enfant à la façon d'une époque où les avions ne rayaient pas le ciel, quand l'aventure se faisait le long des chemins caillouteux, quand le simple devenait fantastique du seul fait qu'il était nouveau.
C'est avec ce regard-là qu'il faut aborder cet ouvrage. Sinon vous ferez comme moi, à la première lecture vous direz qu'il s'adresse aux simples d'esprit.
Alors, refermant cet ouvrage, regardant le spectacle qu'on nous jette au visage tous les jours dans la petite lucarne, vous reviendrez à la parabole et vous direz à vous-même : heureux les simples d'esprit, etc… etc…

Véritable curiosité littéraire pour moi, ce livre était un manuel scolaire destiné aux élèves sous la IIIè république, qui se lit comme un roman mais également comme un témoignage de la scolarité de l'époque où l'on mêlait sentiment patriotique, religion à l'éducation. Je pense que beaucoup auraient intérêt à le lire par son côté remarquable de dispenser le savoir en tirant les enfants vers le haut et en leur donnant le goût d'apprendre, de découvrir.

Quand on attaque la lecture du Tour de la France par deux enfants, il est important de savoir d'abord ce qu'on a entre les mains. Il s'agit d'un manuel de lecture scolaire, publié pour la première fois en 1877 et utilisé dans certaines écoles françaises jusque dans les années 1950. C'est en ayant bien cela en tête qu'on peut parcourir cet ouvrage du début à la fin sans trop s'offusquer d'un certain nombre de choses et en apprécier la lecture.

Parce que cet ouvrage n'est pas dénué d'intérêt, même à notre époque. Nous suivons le voyage de deux frères, André 14 ans et Julien 7 ans, deux lorrains qui, ayant perdu leur père, décident de rejoindre leur oncle à Marseille. Ces deux enfants vont vivre bien des aventures, traverser des villes célèbres, rencontrer des gens intéressants.

Leur périple est l'occasion d'apprendre tout un tas de choses : la géographie bien sûr, mais aussi L Histoire (à travers le livre sur les grands hommes historiques que Julien lit tout au long du voyage), la science, la nature, les métiers... vraiment pleins de choses. Parce qu'à chaque fois qu'André et Julien entrent dans une nouvelle ville, voient une nouvelle chose, on nous explique ce qui fait la renommée de cette ville et comment fonctionne cette chose. Ajouté à cela, une multitude de petits encarts disséminés dans tous le livres nous apportent encore d'autres informations, d'autres précisions. Alors, bien sûr, en 2020, les informations contenues dans cet ouvrage sont plus que périmées, mais il nous montre une certaine photographie de la France de l'époque qui n'est pas dénuée d'intérêt.

Mais, comme je le disais en préambule, certaines choses peuvent faire grincer des dents, et c'est là qu'il est important de se rappeler quand et pourquoi ce livre a été écrit. Tout d'abord, cela déborde de chauvinisme. La France, à en lire cet ouvrage, est vraiment un pays incroyable, le meilleur de tous les pays. Son but est, évidemment, d'en faire des patriotes. Ensuite, le ton est très moralisateur. Julien et André sont des enfants parfaits, sages, généreux, prompts à aider leur prochain. Là encore, le but est d'inculquer certaines valeurs aux enfants. Ce qui m'a le plus dérangée, ce sont les relents de racisme qui transparaissent ici et là (principalement dans l'encart présentant les différentes "races" de l'humanité et insistant sur le fait que la "race" blanche est de loin la meilleure... J'avoue, j'ai fait un bond sur ma chaise à la lecture de ce passage).

Cet ouvrage est donc à lire en toute connaissance de cause, avec l'esprit critique de celui qui sait que le texte qu'il a sous les yeux a été écrit il y'a 150 ans et que les mentalités ont, fort heureusement, bien changé depuis.

Pour finir, je noterai une petite chose qui me fait m'interroger : le style de l'auteur et le langage. Ce manuel s'adressait, à l'origine, aux élèves de cours moyen (comme indiqué sur la couverture) c'est à dire aux enfants de 9-11 ans approximativement... J'aimerai bien voir un enfant de cet âge le lire aujourd'hui. Au delà du fait que ça ne l'intéressera absolument pas, c'est une lecture qui, à mon avis, serait un peu trop ardue pour nos chers bambins (moi-même, il fallut que je m'accroche parfois). Les enfants d'il y a 150 ans avaient-ils un vraiment un niveau de lecture bien supérieur à ceux d'aujourd'hui ?

Le Tour de la France par deux enfants est un manuel de lecture scolaire d'Augustine Fouillée (née Tuillerie), publié sous le pseudonyme de G. Bruno en 1877. Encore une femme comme George Sand qui se cache derrière un patronyme masculin pour écrire ! Ce livre est vendu à toutes les écoles, publiques ou religieuses, ainsi qu'aux collectivités locales ou associations diverses. Son succès est tel qu'il atteint un tirage de 7,4 millions d'exemplaires en 1914. Il aurait été utilisé jusque dans les années 1950..
Je voulais découvrir l'intérêt historique et sociologique de ce « manuel » qui a servi de lecture courante à des générations d'écoliers de la IIIème République surtout de 1880 à 1918. Il relate en effet le périple de Julien et andré deux enfants alsaciens orphelins qui choisissent la France après la défaite de la guerre de 1970 et de l'annexion de Phalsbourg, leur ville, par l'Allemagne. A la demande de leur père, ils vont retrouver leur oncle qui vit à Marseille, en France et pour cela deviennent itinérants. Les enfants parcourent la France car l'oncle est en fait à Bordeaux, et c'est pour eux l'occasion de découvrir combien leur pays est beau, riche et varié. Cette lecture permettait aux enfants de l'époque qui n'avaient pas de radio, rarement de livres et n'avaient jamais quitté leur village de voyager, de s'ouvrir l'esprit. Il a certainement permis à plusieurs générations d'écoliers des différentes régions françaises d'avoir des références communes à une culture, des valeurs de base, et la définition d'une Nation. Certes, lire ce manuel aujourd'hui est totalement décalé par ses leçons de morale assénées à chaque page. Je fais la liste : patriotisme, nationalisme, bravoure, courage, bonté, devoir, générosité, organisation, honneur, vaillance, sagesse, justice, l'ordre et la loi, tout cela jusqu'à l'abnégation ! On est dans les valeurs du registre martelé par Pétain « Travail, Famille, Patrie ».
Chaque chapitre commence par une maxime moralisatrice et s'organise autour d'un thème principal par lequel est présenté un territoire de France pour en faire connaître toutes les activités. C'est très didactique malgré tout, j'y ai même appris des choses, notamment les hommes célèbres issus des régions françaises. Cependant, et c'est notable, car aujourd'hui caricatural, le schéma « genré » des activités pour donner aux filles le modèle de leur rôle futur : reproductrices et ménagères. « Victor et les hommes s'approchaient du feu, les ménagères actives enlevèrent le couvert…les fillettes s'éclipsèrent pour aller laver la vaisselle… »
Autre sujet aussi qui m'a fait bondir, un dessin qui représente un individu avec la définition de sa race : blanche, rouge, jaune noire. « La race blanche, la plus parfaite des races humaines, habite surtout l'Europe… »
Comment ne pas devenir raciste et colonialiste après cette manipulation intellectuelle !

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