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Critique de vincent34380


2010 – L'explosion d'une plate-forme pétrolière, la Deepwater Horizon, avait causé la marée noire la plus importante de l'histoire des Etats-Unis, et avait eu une influence désastreuse sur l'environnement et l'écosystème de cette région.

2012 – Dave Robicheaux, shérif de New Iberia, se remet à l'hôpital de blessures par balles qui ont failli lui être fatales. Il reçoit la visite de Tee Jolie Melton, une jeune chanteuse de blues, qui lui apporte un Ipod dans lequel elle a enregistré de la musique. Elle demande à Dave de rechercher sa jeune soeur Blue Melton qui a disparu.
Le problème, c'est que Tee Jolie a elle-même disparu plusieurs mois avant la visite qu'elle est censée avoir rendue à Dave, ce qui conduit ses proches à se demander si cette visite ne serait pas le délire d'un esprit sous morphine. Pourtant, l'Ipod est bien réel !

Son ami Clete se trouve confronté à un problème de chantage. Deux petits truands locaux, Waylon Grimes et Bix Golightly, lui réclament une vieille dette, qu'il avait pourtant déjà réglée et menacent de saisir tous ses biens, s'il ne paie pas. Fort opportunément, Bix Golightly est abattu quelque temps après.
« Un succube vivait dans sa poitrine, et ne lui laissait aucun répit. Il l'avait emporté avec lui depuis l'Irish Channel de la Nouvelle-Orléans jusqu'au Vietnam, aux bordels de Bangkok, aux ruelles du plaisir de Tokyo, et l'avait ramené avec lui. Dans l'esprit de Clete, il n'était pas digne de l'amour d'une femme bien, et il n'avait jamais été à la hauteur aux yeux de son père alcoolique, un laitier qui retournait sa colère et son mépris de soi-même contre son fils aîné perturbé et malheureux. »
Clete Purcel, alter ego de Dave, brûle la vie par les deux bouts, entre l'alcool et les femmes. Un autre souci va venir s'ajouter à son fardeau psychologique, déjà bien lourd : l'apparition dans sa vie de sa fille Gretchen Horowitz, jeune femme qui pourrait être la tueuse à gages qui a abattu Golightly.

On retrouve bientôt le cadavre dénudé de Blue, la jeune femme disparue, enchâssé dans une bloc de glace de la taille d'une baignoire, flottant sur le golfe. Elle a été shootée à l'héroïne, et à l'autopsie, on découvre dans sa bouche un petit ballon contenant un billet « ma soeur est vivante « .

Lors de son enquête, Dave est conduit à se mêler des affaires de personnes puissantes, riches et malveillantes, qui ne veulent pas voir leurs vilains secrets exposés à la lumière du jour. Il représente un danger à leurs yeux et ça, ce n'est pas une bonne nouvelle pour lui. Il y a de gros intérêts en jeu, financiers et politiques. Il est question de marée noire, de faux tableaux, de traite d'êtres humains, d'esclavage (la location des détenus du pénitencier voisin), de trafic d'armes et de criminels de guerre nazis.
Cette enquête n'est pas de tout repos pour Dave, qui en plus de ses blessures, commence à ressentir, comme Clete, le poids des ans. Les héros sont fatigués, mais avec l'aide d'Alafair la fille de Dave, et Gretchen, ils trouvent en eux la force de faire face, et rendent coup pour coup, avec quelle violence !

Les personnages ont tous une formidable épaisseur, au service d'une intrigue complexe, mais bien articulée, contée d'une très belle plume qui sait parfois se faire moins sombre, plus légère et se teinte de quelques touches d'humour.
Ce qui est intéressant à voir dans Creole Belle, c'est à quel point Dave et Clete ont leur mortalité aussi présente à l'esprit, symbolisée par le vieux bateau à aubes du XIXème, qui glisse sur le bayou et que Dave est le seul à voir. L'auteur a pris la décision, il y a déjà longtemps, de les faire vieillir, au rythme de ses écrits. En leur permettant de vivre, de se développer et d'évoluer, il nous offre ses romans comme autant de tranches de vie, d'instantanés de l'Amérique à différentes époques. Pour autant, Burke n'est plus un jeune homme, et leurs préoccupations reflètent bien sûrement les siennes.

Une des grandes forces de l'oeuvre de Burke, au-delà de la qualité de son écriture, a toujours été l'atmosphère qui baigne ses romans, la peinture très poétique de la Nouvelle-Orléans et des bayous.
« L'air qui montait de l'eau était frais, merveilleux, et la lumière aussi douce que du pollen sur les branches au-dessus de nos têtes. Il n'y avait aucun bruit sur le bayou, pas même celui du pont à bascule sur Burke Street. Molly m'a pris la main sans un mot, et nous avons regardé les brèmes manger dans les nénuphars, qui viraient au marron et se recourbaient légèrement sur les bords. Je me suis demandé combien de semaines il nous restait avant l'arrivée des jours gris et pluvieux de l'hiver en Louisiane, qui dénude les chênes d'eau et les pacaniers, et barbouille les fenêtres d'une bruine aussi humide et froide que des infiltrations dans une tombe. »

James Lee Burke a souvent été comparé à Faulkner ou à Zola. Il est connu pour son exploration de la nature de l'homme, de la lutte du bien et du mal, de la souffrance, de la pénitence et du pardon.
Ses romans voient toujours plus loin que le mécanisme de l'intrigue criminelle : le vrai sujet, comme chez Zola, est la condition humaine, vue dans chaque strate de la société.

Je trouve à ce récit, malgré le « happy end », un pessimisme latent, un côté un peu crépusculaire, comme si Dave se préparait à nous faire ses adieux. Il est pour moi un roman des plus puissants et des plus ambitieux, plein de pertinence sur l'Amérique d'aujourd'hui.

Un magnifique roman, à ne pas manquer !
Lien : https://thebigblowdown.wordp..
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