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Critique de topocl


« Je suis sûr que mon père ressentait ces choses - mais ces mots sont les miens, et c'est ça le véritable mensonge sur mon père. Je ne peux parler de lui sans parler de moi, de même que je ne peux me regarder dans un miroir sans y voir son visage. (…) quelque soit les circonlocutions dont j'accompagne mon propos, un mensonge reste un mensonge, et je ne suis pas moins une invention, pas moins un faux-semblant, pas moins un mensonge qu'il le fut jamais. »

« Je suppose que même mon père savait que la mort était la seule situation dont il ne pourrait pas se sortir à l'aide d'un mensonge. »

Cette histoire, ce sont tous les mensonges que son père lui a racontés pour protéger une personnalité dominée par la noirceur ; ce sont les mensonges qu'on raconte évidemment, le sachant plus ou moins, quand on essaie de reconstituer la vie d'un homme, et plus encore d'un père .


« Chaque vie est un récit plus ou moins secret, mais quand un homme devient père, l'histoire est vécue non pas au service, mais dans la conscience permanente d'un autre individu, ou de plusieurs. Quel que soit le mal qu'on se donne pour éviter ça, la paternité est un récit, une chose racontée non seulement à, mais aussi par les autres en question. »


Ce père-là, « brutal et malheureux », entre misère et alcoolisme, a fait le malheur de ses proches et le sien propre.

« Demain, me dis-je, la situation redeviendrait normale. Il s'écoulerait encore un certain temps avant que je me rende compte qu'en dépit des efforts de ma mère, ou des nôtres, il n'y aurait jamais de situation normale à laquelle revenir. »


Histoire cent fois racontée d'une enfance annihilée par l'image d'un père inacceptable, puis d'un adolescent qui reproduit les schémas qui lui ont été transmis dans une terrible descente aux enfers.

« Je n'attendais rien. Il n'était pas question que le chemin de l'excès mène au palais de la sagesse.L'excès était, pour moi, une tentative désespérée de préserver quelque chose d'inhumain, de me cramponner à la sauvagerie. Je savais que le fait d'être un homme était lié à cette sauvagerie : sauvagerie, non pas barbarie, mais sauvagerie des oiseaux et des animaux, sauvagerie d'un vent âpre dans les herbes, sauvagerie de la mer, sauvagerie de ce qui reste indompté. »

J'y ai rarement vu une telle lucidité, une telle humble sobriété, une telle subtilité dans l'appréhension des ambiguïtés qui nous mènent et malmènent, une telle empathie au monde croisée d'une épouvante face à son épouvante.


C'est un très beau texte, écrit dans une langue limpide, avec des portraits qui soulignent l'extrême humanité de l'auteur, cet homme qui dut attendre d'être père, non pas pour pardonner, mais envisager qu'il « pourrai[t] arriver à pardonner ».

« On ne peut apprendre à s'aimer soi-même qu'à condition de trouver à aimer au moins une chose au monde ; peu importe quoi. Un chien, un jardin, un arbre, un vol d'oiseaux, un ami. J'entends par là que le vieux cliché de psychologie populaire est presque vrai dès lors qu'on le renverse : on apprend à s'aimer soi-même en aimant le monde qui nous entoure. »

Du grand art.

« Nous sommes dressés à dissimuler l'imagerie de nos vies rêvées - et pourtant, ces images forment un monde en elles-mêmes, elles constituent une écologie, et c'est vers ce monde, vers cette écologie, que j'imagine m'acheminer quand je caresse un long rêve de départ, un après-midi, me projetant au loin, ailleurs, avec une poignée de pièces dans la poche et un petit vent frais qui agite les herbes. »
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