Longtemps j'ai attendu avant de sortir de ma PAL les ouvrages de
John Burnside , tant mieux : en cette rentrée littéraire que j'ai eu le caprice de vouloir suivre cette année et qui s'avère ennuyeuse , j'ai trouvé une presque source d'exaltation compensatrice de mes déceptions littéraires du moment .
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Les empreintes du diable " d'abord me donnèrent un avant-goût de la qualité d'écriture , et la tonalité si particulière de cette griffe au service de thématiques en échos avec celle-ci : des ambiances ténébreuses en bordure du réel , une nature secrète et mystérieuse plus sécurisante pourtant que l'esprit grégaire du genre humain .
Alors lorsque je décidai de continuer sur ma lancée , après dépoussiérage du volume "
Un mensonge sur mon père " , j'avais déjà quelques repères et sans surprise je me glissai dans ce mensonge avec volupté délicieusement malsaine sachant qu'il s'agissait d'un roman autobiographique .
Au final ce que j'en appris sur ce père violent , alcoolique , absent , pathologiquement affabulateur dans ce que je lis dans les mots et à travers ceux-ci , écrits par son fils , c'est qu'au final tout cela n'est rien que très banal . On croit se construire une personnalité , on intègre ses origines et l'histoire de sa famille , de son milieu social , de son peuple et on devient .
On devient , oui.
Systématiquement un être bancal , certains plus que d'autres , l'inconscient tricote souvent des mailles déformées , la destinée et la génétique c'est bien connu ne connaissent pas la justice . Alors oui ce père il ne fait pas partie des plus chanceux dès le départ , cahin-caha il avance au sein de cette Angleterre minière qui pue la bière mal digérée et la misère du prolétariat usé jusqu'au renoncement . Et il s'invente , se décline , selon ses humeurs et le nombre de pintes , avec une fantaisie toute à son humeur : Quand on ne sait rien de ses origines , c'est facile , on a le choix comme une garde-robe bien garnie . Pourquoi pas ?
Mais il oublie , le père , qu'il est père . Et que petit John il ne comprend pas bien ce père à multiples facettes qu'il suit dès le plus jeune âge dans ses soirées de beuveries . Témoin ,puis acteur dès l'adolescence .
Des années d'errance pour petit John devenu grand . L'alcool comme papa, mais c'est plus marrant d'aller plus loin , alors ils multiplie les drogues et les expériences , avec quelques passages psychotiques , histoire de se frotter à l'univers "des fous " "juste for fun" dans les services médicalisés , de belles rencontres surdimensionnées probablement par les substances euphorisantes et une prédisposition à l'exacerbation du réel pour mieux se sentir vivant .
Rétrospectivement , devenu père à son tour , après plusieurs romans où l'ombre d'un père menaçant semble planer dangereusement ( je pense que c'est la raison pour laquelle je n'osais pas les sortir de mes PAL ) , père fictionnel si tant est que la pure fiction existe ,
John Burnside s'attaque ici à son histoire , raconte son père , le fils qu'il fut avec toute la non-objectivité assumée , et même revendiquée , mensonge et vérité se rejoignant .
Mystificateur , nous le sommes tous .
John Burnside choisira une image de son père parmi tant d'autres pour continuer la transmission . Mensonges et vérités épousés , histoire de choix et d'inconscient .