Dans le sarcophage qui recevrait sa momie, le pharaon voulut que les images habituelles des quatre divinités protectrices placées aux quatre coins soient remplacées par des images de Néfertiti
Il paraît qu'on n'oublie jamais son premier amour. La preuve, me voici qui m'apprête à l'évoquer. Aussi doux que banal, comme tous les premiers amours, qui n'ont de valeur que par le poids de leur souvenir.
Doré n’avait jamais représenté Angelica sans voiles, pourtant je lui prêtais le corps dénudé d’une vierge, bras levés au-dessus de la tête et poignets attachés à une branche, qui illustrait je ne sais plus quel autre épisode. Je parcourais d’un doigt délicat les contours de ce corps, le caressais, les yeux mi-clos et le cœur battant la chamade, répétant en mon for intérieur le nom d’Angelica comme une litanie.
J'ai lu beaucoup de pièces et de poèmes consacrés à Jeanne d'Arc, et à chaque fois la Pucelle d'Orléans m'apparaissait sous les mêmes traits.
Les interprétations que les poètes et les dramaturges donnaient de son parcours pouvaient diverger, et de beaucoup, son visage pour moi était unique.
La même chose m'est arrivée au cinéma : à un moment, le visage d'Ingrid Bergman a disparu, remplacé par un autre.
Je veux parler du visage de Renée Falconetti, l'interprète principale du film muet de 1928 intitulé La passion de Jeanne d'Arc, dû au réalisateur danois Carl Theodor Dreyer.
Si ce film a marqué non seulement l'histoire du cinéma, mais l'art du vingtième siècle, il le doit aussi, selon moi, à l'interprétation bouleversante de la comédienne corse.
Tout tourne autour de l'interrogatoire de Jeanne mené, sous la houlette de l'évêque Cauchon, par des juges déterminés à l'accuser d'hérésie et à l'envoyer au bûcher.
Renée Falconetti, le crâne rasé, sans maquillage, filmée toujours en gros ou très gros plans n'est plus la meneuse d'armée victorieuse et inspirée, mais une jeune femme, dont les traits passent de la résignation à la fierté, de la peur à l'affirmation décidée de sa foi, du doute à l'extase, de la fatigue à l'angoisse, de la crainte à l'indignation, avec un art consommé qui redoublait leur expressivité.
Elle eut du mal à se lancer, d’une voix hésitante où transparaissait un léger accent sicilien, et même quand elle gagna en assurance et que son récit devint plus fluide, je m’aperçus que le ton de sa voix plat et monotone ne trahissait aucune émotion, qu’elle ne s’impliquait pour ainsi dire pas : elle présentait simplement les faits bruts. Elle ne bougeait pas un muscle, n’ébauchait pas un geste. Les mains posées sur les genoux, la tête inclinée sur l’épaule gauche, les genoux serrés, le regard droit devant elle.