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Critique de SZRAMOWO


Après avoir vu le film Loin des Hommes, avec Vigo Mortensen et Reda Kateb, un très beau film, j'ai éprouvé le besoin de lire la nouvelle L'Hôte dont il est l'adaptation. Une adaptation réussie !
Daru l'instituteur, isolé sur le haut plateau algérien aux portes du désert veut ignorer la guerre des hommes. Il ne veut appartenir à aucun camp malgré les pressions de son rare entourage.
J'ai retenu une phrase de la nouvelle qui illustre la position de Daru et que l'acteur Vigo Mortensen parvient à incarner avec force :
"Devant cette misère, lui qui vivait presque en moine dans cette école perdue, content d'ailleurs du peu qu'il avait, et de cette vie rude, s'était senti seigneur, avec ses murs crépis, son divan étroit, ses étagères de bois blanc, son puits et son ravitaillement hebdomadaire en eau et en nourriture."
Dans chacunes des nouvelles les personnages cherchent à se passer des béquilles de la vie que sont l'idéologie, le religieux, le sacré, le sacrifice.
S'ils peuvent à un moment donné être des moyens de libération, ils n'en constituent pas moins une illusion et s'en défaire avec toutes les conséquences que cela implique reste pour eux la seule option.
Ces nouvelles sont du concentré de Camus, des histoires qui en disent plus sur sa philosophie de la vie que ses essais.
On y retrouve des personnages secondaires familiers, Esposito l'ouvrier contestataire de la tonnellerie dans la nouvelle "les muets" que l'on croise dans l'Etranger.
D'une phrase Camus sait montrer la résignation du tonnelier Yvars qui en ouvrant sa musette, trouve, "Entre les deux tranches de gros pain, au lieu de l'omelette à l'espagnole qu'il aimait, ou de bifteck frit dans l'huile, il avait seulement du fromage." et cherche le réconfort dans sa famille, "Fernande apporta l'anisette, deux verres, la gargoulette d'eau fraîche. Elle prit place près de son mari. Il lui raconta tout, en lui tenant la main, comme aux premiers temps de leur mariage."
Louise, la femme de Jonas (l'artiste au travail) "prenait en charge résolumment, les mille inventions de la machine à tuer le temps, depuis les imprimés onscurs de la Sécurité Sociale jusqu'aux dispositions sans cesse renouvelées de la fiscalité."
La femme adultère souffre en silence " (...) le plus dur était l'été où la chaleur tuait jusqu'à la douce sensation de l'ennui." mais parvient à trouver "quelque (qui) l'attendait qu'elle avait ignoré jusqu'à ce jour et qui pourtant n'avait cessé de lui manquer."
L'ingénieur d'Assart exilé au Brésil pour apporter le progrès de la science et de la technique aux populations indigènes menacées par des crues du fleuve se retrouve face aux croyances religieuses et prend part à sa façon à une procession dont il finit par devenir l'ordonnateur iconoclaste mais finalement accepté par sa nouvelle communuaté. (La pierre qui pousse)
Le temps fort du recueil est sans conteste "Le renégat ou un esprit confus".
Un ancien séminariste défroqué s'enfuit vers une ville de sel perdue dans le désert et abjure son ancienne foi pour adhérer à celle d'un fétiche dont il devient l'objet à défaut d'en être le sujet :
"Ô fétiche mon dieu là-bas, que ta puissance soit maintenue, que l'offense soit multipliée, que la haine règne sans pardon sur un monde de damnés, que le méchant soit à jamais le maître, que le royaume enfin arrive où dans une seule ville de sel et de fer de noirs tyrans asservisseront et posséderont sans pitié !"
Un recueil de nouvelles à découvrir pour compléter notre connaissance de Camus.
Ces nouvelles sont une autre façon d'aborder l'oeuvre du philosophe et de mesurer, une fois de plus, ce qui l'éloigne de JP Sartre.

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