AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de cathanne


La lecture de la langue sauvée d'Elias Canetti reste comme une trouée d'oxygène qui conduit à la sphère de l'absolu. L'autobiographie embarque par sa puissance et sa densité dans une traversée temporelle, géographique et anthropologique hors du commun. Aucun voyage ne saurait remplacer une telle expérience. L'écrivain, pudique sur sa souffrance, découpe le monde de son enfance avec la précision d'un grand chirurgien. L'Europe au début du XXème siècle a disparu corps et âme. Elle continue de vibrer dans ces pages avec sa culture, ses démons, sa douceur, si proche de la nature, ses paysages mais aussi son humanité arrogante et sèche. Canetti, par le biais d'un apprentissage intellectuel forcené, se perd dans une boulimie de connaissances que sa mère lui prodigue. Il devient un être immatériel et secret encombré par sa singularité, après la perte irréparable d'un père trop vivant, trop tôt disparu et des déménagements multiples (Bulgarie, Angleterre, Autriche, Suisse). le livre chemine parmi les rencontres fictives et réelles et fait assister à l'édification progressive d'une personnalité singulière. La judaïté se recouvre peu à peu de toutes les cultures auxquelles l'enfant doit s'adapter, sans rechigner, aiguisant la lame de la culpabilité et de la solitude. J'ai aimé ce livre pour sa capacité à transmettre l'innocence, l'appétit des jeunes années en proie aux exigences des adultes. Il y a dans ce livre une recherche de la vérité, un élan naturel et naïf vers le savoir qui le rend admirable et désarmant. L'expérience qu'il relate n'est peut-être pas si rare, mais la force de l'écriture, sa véracité, la souffrance qu'elle trahit emporte le lecteur dans une émotion nouvelle, loin des clichés d'une vie exceptionnelle. En lisant, on s'identifie à cet être que l'on ne sera jamais. Un être monstrueusement civilisé. Les langues qui l'emplissent portent l'authenticité du diamant et l'illusion de son éclat. Il oscille entre la fascination divine d'un savoir infini et l'assujettissement à la tyrannie de la pensée. le livre illustre à la fois le génie qui sait rendre le monde et ses contradictions palpables et la souffrance universelle de l'incompréhension. du Jules Vallès sans l'humour, du Proust sans les sensations. L'expérience de lecture dépose dans l'âme du lecteur les traces d'une existence pleine. Une oeuvre qui par son tact et son intelligence force l'admiration et le respect.

Commenter  J’apprécie          63



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}