Dimanche 13 mars 2011
Etre la même et une autre : c'est ce qui arrive lorsqu'un deuil nous frappe. C'est bien soi, et pourtant quelque chose de fondamental a changé, au point que parfois dans un éclair on n'y croit pas, on se dit ce n'est pas possible, à cause de la permanence du soi contrastant avec l'énormité du changement que constitue la perte de l'autre. Dans les ruptures amoureuses pareillement. (p. 15)
les journaux contiennent toute ma vie: or j'ai une mémoire si incertaine, si lacunaire, que cette perte m'apparait comme une grande catastrophe.
Que peut-il y avoir dans la tête du jeune homme qui force les serrures et y découvre cette chair du temps, Des souvenirs se dit-il ?"
Ce que je fais peut-être aussi en écrivant ces pages : comprendre comment le temps nous traverse. Comprendre en quoi nous sommes fait de la chair du temps, c’est-à-dire de mémoire ».
9 août- En songeant à ceux qui pourraient lire mes journaux un jour- au cas où ils ne seraient pas détruits-, j'ai réalisé qu'il y avait une forme de fausseté dans le journal. Parce qu'il sert souvent d'exutoire à la détresse, il est le réceptacle privilégié des moments difficiles; lesquels ne sont pas forcément représentatifs de notre existence. (p. 19)
Un journal qui a perdu la mémoire ?
L'horreur , dans la perte d'un journal, ressemble à celle qui nous étreint lors de la disparition d'un être : une absolue singularité s'évanouit, irremplaçable. Ce qui s'est envolé, c'est ce que je fus, dans le détail du fil du temps, dans l'évolution d'une conscience. (p. 14)
Je peux donc à présent répondre à une question posée à l'orée de ce livre, celle des œuvres comme consolation. Non. Les œuvres, en nous donnant l'occasion de ressaisir le monde, nous permettent d'y exercer une forme de liberté.