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Critique de HundredDreams


Ce roman fait sans aucun doute partie de ceux que je n'aurais jamais découvert sans les lecteurs de Babelio, un roman étrange et déroutant.
« L'observatoire » est une histoire de rencontres, d'amitiés, d'amour et de perte.

*
Le monde de Tearsham semble figé dans le passé, tel un îlot cubique perdu au milieu d'un parc arboré autrefois vaste, mais qui s'est réduit au fil du temps, comme peau de chagrin.
Ce domaine était la propriété ancestrale de la famille Orme, mais l'accumulation de nombreuses dettes a contraint le père à transformer la demeure naguère magnifique, en petits appartements devenus vétustes avec le temps, où vivent quelques pensionnaires marginaux et bizarres.

L'un d'entre eux, Francis Orme, le narrateur, est un artiste performeur dans un musée de cire. Il se plaît à se transformer en statue vivante au milieu des statues de cire. Il vit avec ses parents et s'occupe d'eux.

Les autres locataires sont tout aussi étranges et excentriques : apathiques, les deux parents semblent vivre dans deux mondes parallèles qui se frôlent sans jamais se rencontrer ; Peter Bugg, un précepteur à la retraite, se plaint continuellement ; Claire Higg vit par procuration devant son poste de télévision ; le portier est un homme amoureux plutôt revêche et peu loquace. Mais le personnage le plus marquant et le plus insolite est sans contexte « numéro 20 », une femme qui pense être un chien suite à un traumatisme crânien.
Leur quotidien est prévisible, monotone, routinier, ennuyeux sans qu'ils s'en rendent compte.

« Nous nourrissions l'espoir que le nouveau résident serait vieux ou moribond, ou qu'il mourrait dès la première nuit. Nous nourrissions l'espoir que le nouveau résident jetterait un coup d'oeil à l'immeuble et s'enfuirait à toutes jambes. Si cela venait à se produire, nous aurions certes été vexés quelques instants, mais soulagés pour le restant de nos jours. »

Alors, lorsque Anna Tap, une nouvelle locataire, emménage dans la résidence, son arrivée est perçue d'emblée comme une menace et Francis sollicite ses voisins pour chasser l'intruse.
Et ils ont raison, cette étrangère va secouer leur petit monde si ancré dans la routine, perturbant leur quotidien, bousculant leur vie si calme, faisant remonter également à la surface des souvenirs enfouis depuis longtemps au fond d'eux, des vérités oubliées qui se font à nouveau entendre.

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Edward Carey n'a pas son pareil pour nous introduire avec tendresse et bienveillance dans les histoires de chacun.

« Ils forment un groupe singulier de personnages étranges qui semblent droit sortis d'un conte de fées bizarre et macabre… »

Ils paraissent tous enfermés dans leur propre monde de solitude, de silence, de tristesse, de regrets, d'obsessions, de phobies, de tocs qui les singularise.
En entrant dans leur intimité, on ressent de l'empathie pour eux, malgré leur attitude repliée et peu communicante.

Le personnage principal, Francis Orme, apparaît comme un homme obsessionnel aux manies vraiment bizarres : il ne supporte pas la vue de ses propres mains et les cache par des gants d'une blancheur immaculée. Il est également incapable de refreiner son besoin de voler les biens précieux des autres pour les ajouter à son musée privé.

« N'allez pas croire que je passais mon temps à ramasser tous les objets abandonnés. Ils devaient répondre à certaines exigences. Les morsures sur le cockpit, la roue manquante avaient donné à l'objet une histoire bien à lui. Il avait été aimé. Il devenait signifiant. »

Au fur et à mesure qu'on le découvre, les émotions du lecteur change, alternant tristesse, sympathie, indulgence, et irritation face à son attitude.
Les autres pensionnaires ont également d'autres manies que vous découvrirez en lisant le roman.

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L'écriture d'Edward Carey se met au diapason de l'état psychologique de Francis. C'est donc un récit assez froid, dénué d'émotions, morose mais sincère, convenant parfaitement à cette atmosphère sombre et triste.
« L'observatoire » est un roman d'ambiance, l'intrigue est très simple, il n'y a que peu d'actions. Son intérêt est ailleurs, dans un mélange subtil et délicat de plusieurs ingrédients : un cadre qui oscille entre le gothique et le baroque, une atmosphère sombre mais fascinante, des personnages minutieusement décrits.

Je suis entrée dans cet univers un peu comme Alice au pays des merveilles qui, en décidant de suivre le lapin blanc, découvre un monde fantastique incroyable. Mais contrairement à Lewis Carroll, le monde vu par Edward Carey est teinté de gris, à la Tim Burton.

J'ai aimé cette atmosphère terne et déroutante, cet univers gothique qui m'a rappelé celui de "Gormenghast" de Mervyn Peake.
J'ai aimé le décor fait de ruine, à la fois obscur, crasseux, laid, intrigant, mais étrangement séduisant.
J'ai aimé ces personnages si singuliers, si mornes, si maussades, et au final si touchants.
J'ai aimé l'écriture où transparaissent la nostalgie et la mélancolie.

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Pour conclure, « L'observatoire » ne ressemble à aucune autre histoire. Je suis tombée sous le charme de ce roman incroyable, animé par une étrange folie.
Une lecture dépaysante.

Un grand merci à Onee et Paul. Cette lecture m'a beaucoup plu et je ne l'aurais jamais lu sans vous.
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