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Critique de JustAWord


Surtout connu dans le monde du cinéma pour son rôle de critique et de scénariste (Sinister, Doctor Strange…), l'américain Christopher Robert Cargyll est également auteur depuis 2013 avec Dreams and Shadows (encore inédit en France). Pour lancer l'écrivain dans l'Hexagone, Albin Michel Imaginaire a choisi de traduire son dernier roman, Un océan de rouille, qui nous cause de robots, d'apocalypse et d'intelligence artificielle.
Tantôt comparé à Terminator et à Mad Max : Fury Road, l'aventure de Fragile nous emmène dans un futur pas franchement optimiste où l'homme n'existe plus…

L'apocalypse, encore
Comme nombre de romans de science-fiction récents, Un océan de rouille se situe dans un futur post-apocalyptique (ce qui en dit long sur le degré de sérénité de notre siècle). Cette fois, ce sont les robots qui se sont révoltés contre l'humanité et qui l'ont exterminé. Après cette fin violente, nous suivons le destin de Fragile, un robot Aidant conçu pour assister son propriétaire humain et veiller à son bien-être. À la place de cette tâche altruiste, Fragile est devenu un charognard qui achève les robots déglingués pour en retirer les composants nécessaires à sa survie dans l'océan de rouille, immense décharge robotique où les cités-états et les barjots de métal pullulent.
C. Robert Cargyll n'invente donc rien. Soyons clair d'emblée : vous qui entrez ici, ne cherchez pas une quelconque originalité au texte de l'américain !
Si nombre de critiques ont pointé les similitudes entre Terminator et Matrix, pour le côté fin du monde robotisée, on adjoindra ici quelques comparaisons moins vagues. En effet, pendant une bonne partie du récit, Fragile opère des flash-backs pour expliquer le pourquoi du comment de l'extermination.
Entre Isaac en sauveur de son peuple qui rappelle furieusement Sonny et son rêve de prophète dans I, Robot et l'escalade meurtrière entre robots et humains qui renvoie invariablement à Seconde Renaissance, chef d'oeuvre véritable de l'univers Matrix, le roman multiplie les influences, passe par de courts segments à la Mad Max version métal intégral, pour finir par retomber sur ses servomoteurs avec une fin attendue mais relativement efficace.
Efficace, le roman de l'américain l'est de la première à la dernière page, parfaitement calibré à la façon d'un bon film de science-fiction américain.
Ainsi, son côté page-turner assumé arrive donc très facilement à masquer son melting-pot narratif et son background archi-rebattu. Ouf.

Ne m'appelez plus jamais robot
Du fait, comment appâter le fan de science-fiction ?
De prime abord, C. Robert Cargyll commence mal car ses robots ressemblent à s'y méprendre à des humains et la plupart se comportent comme tels. Si l'on excepte les facettes, ces robots next-gen conçus par les UMI (Unification Mondiale des Intelligences), quasiment aucun des robots-personnages ne présente de claires différences avec des êtres humains…et surtout pas Fragile, la plus humaine de toute. Dès lors, le récit apparaît boiteux.
Cependant, cet apparent problème se transforme en qualité lorsque l'on considère l'un des postulats d'Un océan de rouille : nous sommes face à des Intelligences Artificielles…et pas de bêtes robots, justement.
Dès lors, l'histoire s'articule beaucoup mieux puisque l'américain utilise cette astuce pour démontrer de façon passionnante que la créature ressemble au créateur. Si les I.A du récit se comportent de façon aussi humaine, c'est surtout parce que les humains qui les ont créées voulaient qu'il en soit ainsi.
Lorsque C. Robert Cargyll en a terminé avec son récit d'apocalypse, il passe alors à un axe de lecture autrement plus passionnant et maîtrisé : la nature profonde de ses Intelligences Artificielles.

Être humain
Un océan de rouille s'intéresse donc finalement à ce qui rend ces I.A si humaines. L'américain explore un certain nombre de pistes : la peur du néant/de la désactivation, la conscience de soi, le souvenir, les remords, la notion de bien et de mal… pour conclure que ce qui rend humain, c'est la capacité de choisir et de croire.
En transformant la quête de Fragile en une traversée du désert et en faisant d'Isaac un prophète libérateur, en calquant les UMI sur des Dieux en devenir et en offrant à son héroïne la capacité de choisir avec qui s'allier et qui mourir, l'auteur utilise la machine pour définir le substrat humain qui se cache derrière. C'est malin et fichtrement intéressant, d'autant plus quand on considère que cette tentative de définition des qualités humaines permet à son tour de définir l'auteur lui-même, plus intéressé par les individus que par les groupes et la pensée unique/fascisante. En opposant des UMI, qui agissent comme autant d'oppresseurs/dictature d'une pensée et d'un but commun, aux I.A dites libres et imprévisibles, C. Robert Cargyll offre un choix humain : celui de suivre ou de décider, le même choix d'ailleurs constamment offert à Fragile.
Derrière ses oripeaux de roman d'action et d'apocalypse, Un océan de rouille questionne notre propre nature et utilise l'intelligence artificielle pour définir les qualités humaines tout en continuant à recycler d'autres thématiques comme le traumatisme du combattant ou la culpabilité du survivant. Une alliance solide qui fait oublier son côté déjà-vu.

Cadencé comme un blockbuster et bourré d'influences cinématographiques, Un océan de rouille apporte sa pierre à l'édifice du roman post-apocalyptique en détournant ses personnages de métal afin de dresser un portrait-robot passionnant de l'espèce humaine. Pas révolutionnaire en soi mais hautement recommandable.
Lien : https://justaword.fr/un-oc%C..
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