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Critique de Kenehan


C'est amusant comme un détail, une image, un texte aperçu du coin de l'œil peut happer votre regard, vous faire tourner la tête et stopper votre marche à travers les rayons. C'est exactement ce qu'il s'est passé lorsque j'ai entraperçu ce visage de porcelaine durant mes courses dans un supermarché. Il me disait quelque chose ! Avec "Donato Carrisi" écrit en gros, j'ai vite fait le rapprochement avec "Le Chuchoteur". Et voilà qu'un petit bordereau rouge en bas de l'exemplaire annonce "La suite du best-seller Le Chuchoteur". Alors comme ça, chaque enquête de Mila sera illustrée par un visage de poupée ?!

"L'écorchée" c'est le retour de Mila Vasquez, 7 ans après l'enquête concernant le fameux "Chuchoteur". Sept années propices à Donato Carrisi pour modifier selon son bon vouloir le contexte de vie de la jeune femme. Désormais, elle travaille aux Limbes et s'occupe des personnes disparues. Fini les scènes de crimes macabres, l'hémoglobine, non tout ça elle n'en veut plus parce qu'au fond, elle sait qu'elle aime ça (dixit sa petite voix intérieure). Alors elle s'efforce maintenant de surveiller les petites filles, de repérer les éléments nuisibles dans leur vie et d'éviter qu'un malheur ne leur arrive. C'est ainsi que le livre s'ouvre. Mila vient à la rescousse d'un fantôme hantant une petite fille.

Lorsque j'ai ouvert la première page de ce roman, je n'ai pu m'empêcher d'esquisser un sourire. Un sourire parce qu'en fin de compte j'ai eu l'impression de rouvrir "Le Chuchoteur". La recette est la même et j'en sens les effluves dès le début.
Une introduction très mystérieuse qui ne peut qu'attiser la curiosité du lecteur et le pousser à tourner les pages suivantes. Une absence d'indicateurs géographiques précis, tout au mieux on sait que les scènes se déroulent en ville, en banlieue, dans la campagne mais au fond ça pourrait être n'importe où. Le temps, lui aussi, décontextualise l'histoire. En remplaçant les années par des XXXX, on ne peut que se raccrocher à un temps imaginaire que l'on suppose contemporain à notre temps de lecture. On s'agrippe aux éléments alentours comme la technologie, les noms de familles, etc mais le flou persiste et on regrette que l'auteur poursuive cette manie que personnellement je n'avais pas aimé dans le premier opus. Autant à l'époque j'y voyais un désir d'universalité : montrer que le Mal est partout, autant aujourd'hui j'y vois les désirs d'un écrivain de ne pas condamner son roman à devenir obsolète, de le garder lisible le plus longtemps possible et par le plus grand nombre.

La qualité descriptive et narrative n'est pas toujours ce qu'il y a de plus agréable à lire ici : "Hommes et véhicules accélérèrent l'allure. On aurait dit un comique du cinéma muet. Mais personne n'avait envie de rire, la tension était palpable". Noooonnn ???!!! Et moi qui m'attendais à les voir s'esclaffer devant cet enregistrement de vidéosurveillance ! Heureusement que l'auteur précise le contraire ! Encore heureux qu'il n'ait pas écrit "On aurait dit le clip "Ray of Light" de Madonna. Mais personne n'avait envie de chanter et de danser." ! Il aurait été sage de nous éviter quelques unes de ces évidences et autres idées déjà toutes faites...

Le livre est divisé en quatre parties : Mila, Berish, Alice et Kairus. Quatre personnages abîmés, liés les uns aux autres par cette "Hypothèse du mal" que Donato Carrisi nous présente fièrement tout au long de son roman. On adhère ou non en fonction de sa propre vision du monde, en tout cas il la vend bien et met l'intrigue au service de sa théorie.
J'ai bien aimé Simon Berish et son chien Hitch. Ce nouveau personnage apporte un peu de fraicheur dans ce "Chuchoteur 1.5". En revanche, la manière dont il est présenté m'a agacé. Lui aussi, comme Mila, à son leitmotiv : "Tout le monde veut parler à Simon Berish". Au tout début, Donato Carrisi nous présente ça comme une sorte de don inné que Simon possède à son insu : "Quelque chose en lui poussait les gens à s'ouvrir, à révéler des détails intimes et personnels." Ainsi, à l'école sa maitresse lui dit un jour "Simon, M. Jordan a lu ta rédaction chez moi, l'autre jour. Il dit que tu n'écris pas mal du tout." La maitresse couche avec le directeur et l'avoue ! Deux autres exemples sont donnés pour bien que le lecteur comprenne la nature de la compétence de Berish : il n'a aucun mal à recueillir le secret des autres. Et c'est pour cela que notre expert est appelé en renfort dans un commissariat de campagne pour recueillir les aveux d'un fermier dont la femme a disparue. Au vu de l'introduction, on s'attend à ce que le présumé coupable avoue comme si de rien n'était de son propre chef, après tout l'auteur nous conditionne pour cela… Que nenni ! Le doué Simon Berish est un escroc ! Cette fois, il use d'une habile manipulation pour amener le suspect à confesser son crime.
Un peu plus tard, on apprend qu'une fois devenu un "paria" dans la police, il s'est lancé dans une auto-formation d'anthropologie (si à la fin du livre on n'a pas compris qu'il avait lu plein de bouquins d'anthropologie c'est qu'on a sauté beaucoup de paragraphe !) et que suite à cela, il est devenu un expert en interrogatoire. D'un côté il y a cette idée d'un don existant depuis l'enfance et de l'autre une compétence acquise volontairement avec le temps après la mise à mal de sa carrière. D'un côté c'est autrui qui délivre son secret à Berish, sentant en lui un récepteur adéquat à l'inavouable et de l'autre c'est Bérish, qui par ruse conduit la conversation vers cet inavouable dans le but d'en être l'accoucheur. C'est à se demander si son leitmotiv ne l'aide pas à se créer l'illusion de posséder un don que les autres n'ont pas. Berish serait-il un homme de contradiction ou un homme qui se berce d'illusions ?

Comme dans "Le Chuchoteur" on retrouve une vision sombre de l'être humain. Personne n'est épargné et personne ne le doit. Les ténèbres et le vide nous entourent, s'installent et finissent par nous corrompre.
Un peu plus décevant, est l'idée redondante d'une sorte de déité dissimulée dans l'ombre qui prend plaisir à manipuler divers pantins pour jouer avec la police. Il y a eu le "Chuchoteur" et maintenant voilà "Kairus alias Le Magicien, l'Enchanteur des Rêves, le Maître de la nuit". Une créature énigmatique et maléfique tapie dans le noir et se jouant de notre part sombre. Donato Carrisi confronte Mila à non pas un seul tueur mais à une multitude de criminels dans chacun des deux romans. Sauf que cette fois, comme le livre ressemble au "Chuchoteur", on sait où trouver les coupables et à la fin il n'y a pas vraiment de surprise.

On n'attend donc qu'une chose, la fin de cette trilogie (pitié faite que ce ne soit qu'une trilogie !!!!) confrontant Mila au Chuchoteur une bonne foi pour toute. Bon, il est très probable qu'il nous ressorte encore un copier-coller du "Chuchoteur" mais ça fait son succès alors pourquoi tuerait-il la poule aux œufs d'or ? Au moins, la prochaine fois je serais préparé à ça et mon plaisir sera simplement contenté par des retrouvailles avec Mila et Bérish dans ce qui sera, je l'espère, une vraie et définitive conclusion sur le cas du Chuchoteur et celle de "l'armée des ombres".
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