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Citations sur Mélancolia (42)

…le garçon se creusait un chemin dans l’écorce de chocolat épaisse de la largeur d’une main et, par l’ouverture, pénétrait dans les profondeurs de sa maman énigmatique et dépressive comme une déesse de la solitude. Autrefois droite et haute jusqu’au plafond, remplissant l’entrée de sa silhouette au parfum d’air frais et de quignon de pain, à présent étendue comme une baleine échouée sur le rivage, sur le sol en mosaïque du magasin Concordia. Combien profonde et combien obscure était la grotte couleur café ! Quel bouleversant arome de cacao répandaient ses parois lisses et dures ! Combien vastes étaient les voûtes du ventre et des deux seins qui semblaient les coupoles d’un lieu saint !
(Les ponts, p. 48)
cité par Cristina Hermeziu
https://actualitte.com/article/98415/chroniques/l-enigmatique-melancolia-de-mircea-cartarescu
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Il ne faisait aucun doute que le pâtissier, dans sa jeunesse, avait rêvé de devenir entomologiste, car, dans les alvéoles en satin crème incroyablement délicates des boîtes de luxe, étaient placés, comme dans des casiers, de lourds insectes en chocolat, des hannetons, des courtilières, des lucanes, des sauterelles géantes, tous disposés selon des plans symétriques compliqués, comme sur les planches de sciences naturelles, et enveloppés dans les mêmes papiers alu colorés. Comme ils devaient être lourds dans le creux de la main, une fois sortis de ces alvéoles parfaitement adaptées à leur forme, avec quelle extravagance et quel exotisme ils brillaient au soleil dans leur peau de métal, fine et légèrement froissée, sur laquelle étaient peints avec réalisme les yeux, les écailles, les pièces buccales, les pattes et les élytres des insectes en chocolat ! Et quand on les sortait de leur enveloppe multicolore, comme leur chocolat était lisse, répandant un parfum de cacao, la plus douce de toutes les senteurs du monde !
(Les peaux)
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L'homme ne peut faire autre chose que ce que le ciel avait prévu qu'il ferait. A son dernier souffle, chacun considère sa vie et comprend qu'il devait en être ainsi.
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Il aurait voulu être, pour un jour ou pour un an, une fille, voir les choses depuis l'autre versant et ensuite assembler les deux visions en une seule, unifiée, la version qu'aurait eue un ange ou un illuminé. A quoi ressemblerait le monde vu non par une femme ou un homme mais par l'être humain détaché de la servitude des deux sexes?
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Isabel avait appris en premier le nom des choses qui se voyait, comme le souvenir, le temps, la tristesse, le rêve, et bien plus tard celui des choses qu'on ne faisait qu'entrevoir parfois, du coin de l’œil : des gens, une maison, une main, une branche, un parc...
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C'est ainsi qu'aux jours de ma jeunesse je me jetais de la proue de mon navire dans la mer étincelante, arrondie de toutes parts, et que je nageais droit sur le soleil, remontant la piste de ce rayon tressaillant où le feu se mêlait à l'eau en proportions toujours changeantes.
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Il aurait voulu savoir si le monde que les professeurs lui décrivaient avec tant de détails aurait existé s'il n'était pas né. S'il existait avant sa naissance et s'il allait exister après sa mort. Et si à cette question il ne recevait pour toute réponse qu'un sourire compatissant, il aurait voulu demander si le monde existerait si aucun homme n'était jamais né. Si rien de vivant et de sensible n'avait existé, pas même un organisme aussi peu vivant et sensible que le microbe le plus rudimentaire. Ivan ne parvenait pas à comprendre comment pouvait exister un continent où il n'était jamais allé et où il n'irait jamais. Comment parvenaient à respirer les gens qu'il ne rencontrerait jamais. Et il croyait que chaque objet touché par son regard sortait à l'instant de sa non-existence, comme si son regard pour lui était aussi important que les molécules et les atomes qui le composaient. Le monde existerait-il, se demandait-il, s'il n'y avait personne pour prononcer le mot "existe" ?
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Chaque nuit le garçon avait essayé la porte, il l'avait ouverte d'un mouvement vif, en espérant voir maman sur le seuil, avec des cabas, avec son sac élimé, avec son imperméable taché et son sourire fatigué et ses cheveux emmêlés par le vent, mais cela n'arrivait pas, et chaque fois l'enfant savait, pour ensuite l'oublier chaque fois, que cela ne se reproduirait plus jamais, pas plus que le papillon ne redevient une chenille, pas plus que le verre qui échappe à la main et qui éclate en dizaines de morceaux ne sera porté aux lèvres de quiconque. Maman n'était pas, mais avait seulement été, et l'encadrement de la porte était à présent plein de terre, comme une tombe verticale.
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Rien de réel, juste un intense relent de tristesse et d'abandon. Ainsi se présentent à notre esprit, quand nos yeux se ferment de fatigue et que le livre glisse entre nos doigts, les visages et les paysages des profondeurs de nos vies, quand tout a un éclat agonique, d'un autre monde. Quand nous pouvons voir avec la peau et entendre avec les doigts et humer avec les lèvres et toucher avec le coeur. Quand les cris des enfants au bout de la rue semblent des cris d'oiseaux dans le couchant.
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L’enfant avait également lu des livres, mais c’étaient des livres qui ne l’intéressaient pas et, dans la plupart des cas, ils étaient impossibles à lire : pleins de schémas, de tableaux de chiffres, ce n’étaient pas des contes ou des romans d’aventures. C’étaient des livres pour les grands. Il avait désormais l’éternité à sa disposition, mais quoi que cela pût signifier, il savait que jamais il ne lirait la plupart des livres de la bibliothèque. L’un d’eux avait au milieu un cahier de pages épaisses et luisantes avec des photos. C’étaient des gens en train de faire des choses confuses. Un autre avait une couverture noire avec écrit dessus en vert Nebunul din Brent. Un troisième n’avait pas de photos et seulement des dessins à l’encre noire. Il s’intitulait Seri albastre. Le plus gros portait comme titre, écrit horizontalement sur le dos, Impudica moarte. Jamais leur contenu ne variait. Tu pouvais ouvrir un livre cent fois à la première page : les mots étaient les mêmes, toujours les mêmes, toujours les mêmes mots. Et cela se passait à chaque page. Les livres se trouvaient derrière des vitres coulissantes. En avant de ces vitres, à un demi-mètre au-dessus du parquet, le meuble faisait un rebord ou il pouvait grimper et se tenir pendant des heures, car la bibliothèque n’était pas tant un rangement pour les bibelots et les livres qu’un meuble que tu pouvais escalader. Il passait des après-midis entiers assis dessus, adossé à la vitrine, les bras posés à l’horizontale sur le haut du meuble. Il avait ainsi devant lui la fenêtre qui donnait elle aussi sur la fabrique de caoutchouc mais par laquelle on voyait les choses confusément à cause du rideau poussiéreux, presque noirci, qui pendait à la tringle en bois jaunâtre. D’en haut, depuis le rebord de la bibliothèque, l’enfant avait vue sur toute la salle à manger plongée dans l’immobilité. Chaque forme était nette et parfaite, chaque coin de meuble brillait dans une solitude sans marges. L’air était froid et silencieux. La lumière se fanait imperceptiblement vers le soir.
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