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Critique de 5Arabella


Installée en Corse, île avec laquelle l'auteure n'avait aucun lien, Barbara Cassin en vient à s'interroger sur ce qu'est le chez soi, le sentiment d'appartenir à un lieu. Et cela entraîne la question de déracinement, de manque de ce lieu que l'on considère comme le chez soi, et son corollaire, la nostalgie. Elle rappelle que c'est un terme relativement récent, apparu seulement au XVIIe siècle en Suisse, et qui était ressenti comme une sorte de maladie, celle qu'éprouvaient les fameux gardes suisses, mercenaires dans des pays étrangers.

Barbara Cassin aborde son sujet sous trois angles. Elle évoque dans un premier temps Ulysse, son voyage vers chez lui : « La nostalgie, c'est ce qui fait préférer rentrer chez soi, quitter à y trouver le temps qui passe, la mort et, pire la vieillesse, plutôt que l'immortalité ». C'est le choix d'Ulysse. Mais Barbara Cassin interroge ce retour, au combien célèbre. Ulysse revenu n'est pas reconnu, sauf par son chien. Il doit retrouver sa place, son identité, la prouver, la reconquérir, non seulement contre les prétendants, mais aussi dans le coeur des êtres qui lui sont chers. Mais l'histoire d'Ulysse ne s'arrête pas à ce retour : il doit repartir, et trouver un endroit qui ne connaît pas la mer, qui ignore ce qu'est une rame, pour pouvoir vraiment vaincre le ressentiment de Poséidon. Dante d'ailleurs, le place dans son Enfer, en rapportant une autre légende : Ulysse serait reparti, il aurait tenté de franchir l'infranchissable, les colonne d'Hercule. Et pour ce goût démesuré de l'ailleurs absolu, il est puni à tout jamais. le chez soi d'Ulysse est peut-être le voyage, autant que son île d'Ithaque.

Le deuxième exemple est Enée, celui qui a perdu définitivement son chez soi, et qui erre pour en trouver un autre. Barbara Cassin met l'accent sur un détail, mais qui n'en est pas un, celui de la langue. Pour avoir sa place en Italie, le héros doit renoncer à sa langue, et adopter celle des habitants originaire du Latium. C'est à ce prix qu'Héra se résout à le laisser fonder sa lignée. Et qui pose la question de la langue : qu'est-ce qui fait que l'on se sent chez soi, est-ce un lieu, des proches, ou une langue ?

Questionnement développé dans la troisième partie, qui évoque Hannah Arendt. Qui après des décennies d'exil, surtout aux USA, dit que ce qui reste de son existence d'avant, c'est la langue. Elle opère une distinction entre la langue, et une patrie associée à un peuple. L'allemand n'appartient pas qu'aux Allemands. Et la langue allemande, telle que les nazis se l'ont appropriée, est un dévoiement, une non-langue. Barbara Cassin insiste sur la pluralité des langues, sur la complexité et la richesse de ceux qui parlent plusieurs langues, qui ont à leur disposition plusieurs visions du monde et place à l'avant garde, les exilés, comme Hannah Arendt. L'auteure conclut : « Quand donc est-on chez soi ? Quand on est accueilli, soi-même , ses proches et sa, ses langues ».

Petit résumé d'un texte très riche et assez essentiel tout en étant très accessible.
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