Les signes de noblesse se trouvent dans le cœur et nulle part ailleurs.
Le monde est ainsi fait. Il y a les oiseaux blessés d’un côté, les chiens enragés de l’autre. Et la vie est nettement plus facile pour l’une de ces deux catégories.
« Quand chaque chose est à sa place, ce n’est pas un si mauvais présage ».
Lorsqu’on a été élevée dans l’insécurité la plus totale, on apprend à sentir les choses autant que les gens. On apprend à déceler le moindre changement d’humeur dissimulé dans un tressaillement de sourcils ou un frémissement du coin de lèvres. Question de survie.
C’est fou comme vos proches sont doués pour ne pas prononcer certains mots, ou éluder des faits dans le seul but de vous ménager. Pour votre bien, ils sont prêts à raconter n’importe quoi, quitte à déformer la réalité. Comme si ça avait déjà fonctionné ! Comme si la réalité pouvait se travestir et devenir un fantasme, juste parce qu’on a des talents de conteur.
Je ne voulais pas quitter Monaco. Malgré tout ce qui s’est passé, je veux rester là-bas. C’est mon monde, celui que j’ai gagné et que j’ai choisi. Je n’aurais jamais dû me laisser convaincre par Paul. Son paternalisme gavé de tendresse marche à tous les coups sur moi. Facile, je n’ai jamais eu de père, ni de mère, ni rien d’ailleurs qui ressemble à une famille. Alors, quand Paul commence à me parler en prenant son ton protecteur et tendre, je fais toujours tout ce qu’il veut. Y compris venir me perdre dans la minuscule ville côtière d’Oban — ville dont j’ignorais encore l’existence géographique jusqu’à hier — dans un château du XVe siècle reconverti en hôtel de luxe.
Il y a un homme nu dans ma chambre. Entièrement nu. J’imagine qu’en d’autres circonstances, j’aurais fait quelque chose de festif de cette information, mais pas dans le cas présent.
Car cet homme nu — et énorme — dans ma chambre n’est pas censé s’y trouver. Ce n’est pas moi qui ai réservé l’hôtel, mais je suis persuadée que la personne qui s’en est chargée n’aurait jamais coché dans la liste des services l’option « veillez à bien laisser un homme nu et frais dans la chambre, juste à côté de la bouilloire, merci ». Or, quelqu’un a pourtant dû le faire, parce que je me retrouve plantée sur le pas de la porte, bras ballants et bouche ouverte, face à cet animal social qui a décidé de s’émanciper de toutes les règles vestimentaires les plus basiques.