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Citations sur Hôpital psychiatrique (28)

Quand je suis arrivée à Murmont en 1941, on ne disait plus asile mais H.P. C'est en 1938 qu'un ministre a décrété qu'il ne fallait plus dire 'asile d'aliénés' mais 'hôpital psychiatrique'. Il devait être drôlement content, le ministre, d'avoir trouvé ça. Il a même ajouté que les gardiens et les gardiennes s'appelleraient dorénavant 'infirmiers d'hôpitaux psychiatriques'. Tout ça parce que depuis 1936 et l'adoption des 40 heures, les horaires de travail étaient répartis en équipes de 3 fois 8 et non plus 2 fois 12, que les asiles n'arrivaient pas à recruter le personnel supplémentaire nécessaire, et qu'en donnant le titre d'infirmier à des paysans qui ne savaient pas lire et encore moins faire une piqûre, le ministre croyait trouver plus de candidats. Pensez donc ! Il n'y a pas eu davantage de volontaires pour travailler chez les fous.
Les infirmiers et les infirmières des hôpitaux psychiatriques reçoivent aujourd'hui la même formation et passent les mêmes diplômes que leurs collègues des autres services hospitaliers. Ce sont des gens remarquables qui accomplissent avec un dévouement exemplaire un métier difficile.
A l'époque, c'était la lie du corps médical. Les infirmiers d'hôpitaux psychiatriques qui ont été mobilisés en 1939 se sont vu refuser toute affectation dans les infirmeries militaires : je répète que la plupart ne savaient même pas faire une piqûre ! Pour être gardien ou gardienne, il suffisait de ne pas avoir froid aux yeux et de posséder de bons muscles. Ouvriers agricoles ou filles de ferme, ils étaient pour la plupart incultes mais disposaient d'un pouvoir absolu sur les aliénés. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Forcément, il en résultait des abus et pas seulement sexuels.
Le plus étonnant, c'est qu'au lieu de faire bloc contre leurs gardiens, les malades se créaient entre eux des rapports de force aussi abominables. On retrouvait au sein de chaque groupe d'internés des petits chefs violents, sadiques, souvent dangereux et criminels comme Tony, qui profitaient de la faiblesse des autres aliénés pour se construire un royaume avec des serfs (les malades), des taxes (le racket) et qui exerçaient leur droit de cuissage sur tous leurs subordonnés. Vous imaginez les débordements qui en résultaient chaque jour. Et chaque nuit.
Chaque nuit...
(p. 50-51)
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L'abcès de fixationg, c'est du génie pur. Quand un fou se met à délirer vraimengt trop et qu'il en deviengt dangereux, l'abcès de fixationg est l'un des moyengs de le calmer. Le chirurgien met sous la peau du malade des vieux tissus qu'il a pris par exemple sur un cadavre, pour créer des plaies purulentes, douloureuses, impossibles à soigner. Pendangt qu'il gratte son abcès, le malade fiche la paix aux autres.
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- J'aimerais te recruter au parti communiste, Louis.
- Pourquoi ? Le parti veut améliorer la condition des aliénés dans les asiles ?
Il s'est esclaffé.
- Ah ça nong ! Le parti défengd les travailleurs. Pas les fous. Le rôle du parti, Louis, c'est de libérer les masses laborieuses de l'exploitationg de leurs patrongs. Les dingues, c'est pas l'affaire du parti.
- Parce que les hommes qui sont affectés aux champs, aux cuisines, à la vaisselle, les femmes qui lavent le linge en toute saison, qui doivent casser la glace des bassins en plein hiver pour le rincer, les malades qui font le ménage de la direction, tous ces gens qui sont corvéables à merci et qui ne sont même pas payés, ce ne sont pas des travailleurs ? Ou dois-je comprendre que le parti ne s'intéresse pas à eux parce qu'ils ne peuvent ni manifester ni voter ?
(p. 200)
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- [...] Tu es toujours aussi rebelle ?
- Je ne supporte pas l'autorité fondée seulement sur la force. Je respecte la compétence, pas la tyrannie.
(p. 98)
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[cellule d'isolement]
Il a tendu une main vers deux vasques creusées dans le mur, remplies d'une eau stagnante.
- A gauche c'est pour te laver, à droite c'est pour boire - ou le contraire, comme tu voudras. On changera l'eau les jours où on te portera à manger. On ne te donnera ni savon ni serviette ni drap ni couverture ni vêtement. Si tu as froid, tu te glisses sous la paillasse. Si tu as un problème, tu frappes la porte aussi fort que tu peux : personne ne viendra mais ça te défoulera.
Il a ajouté avec un sourire mauvais :
- Tu as des questions ?
- Aucune.
- Tant mieux. On ne t'aurait pas répondu.
(p. 30)
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[un médecin juif dans le sud de la France, en 1940]
- J'ai un conseil important à vous donner. Moi qui me vantais il y a quatre mois d'être paranoïaque, aujourd'hui j'ai bonne mine. Je me sentais en sécurité dans cette région de France appelée 'zone libre'. Et ce sont des gendarmes français qui viennent m'arrêter. Ça, je ne l'avais pas prévu. Soyez plus prudent que moi, Louis. Promettez-moi d'être tout le temps, totalement, absolument paranoïaque.
- Je vous le promets, docteur.
- Alors à bientôt, Louis. J'espère.
(p. 294-295)
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Que cela leur plaise ou non, les psychiatres sont considérés par les pouvoirs publics comme des agents du maintien de l'ordre. La « loi des aliénés » du 30 juin 1838 et celle du 27 juin 1990 codifient en France de manière très explicite ce statut qui a été confirmé sans ambages par le président Nicolas Sarkozy le 2 décembre 2008 au centre hospitalier Erasme à Antony : l'exercice psychiatrique consiste moins, d'après les autorités de tutelle, à soigner les patients internés qu'à empêcher ces patients de menacer la sécurité des personnes ou de l'ordre public.
(p. 589)
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- (...) Lorsqu'un psychiatre décrète qu'un individu est psychologiquement malade, il se réfère toujours aux normes d'une société réputée, elle, être "normale" et "en bonne santé". Mais si cette société est elle-même en mauvaise santé, comme c'est en ce moment le cas de nos pauvres pays de l'Europe - la France pétainiste, l'Allemagne nazie, l'Espagne franquiste, l'Italie fasciste - que valent ces normes ? Et quel individu a le plus de chances de rester en bonne santé mentale : celui qui intègre ces normes morbides ou celui qui les rejette ? c'est pourtant le second qui sera mis au ban de la société, enfermé, peut-être broyé. N'oubliez jamais cela : on est toujours fou par rapport à une société donnée. Au Moyen Age, un impie était considéré comme fou - d'où les bûchers de l'Inquisition. Dans tous les régimes autoritaires, les opposants ont toujours été considérés comme des déviants atteints de graves maladies mentales, qu'il faut soit éliminer, soit interner dans des camps ou des asiles pour les isoler du reste de la population.
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- Louise ? Tu es amoureux d'elle ? Louis, c'est pas sérieux ! Elle couche avec tout le monde.
- Possible. Elle y prend du plaisir ?
- C'est pas le problème, Louis.
- Pour moi c'est important. La première fois que vous avez couché avec elle, c'est elle qui vous avait fait des avances ou vous l'aviez forcée ?
- Louis, Louis... C'était chez le directeur, il y avait des filles, c'est vrai que les autres étaient plus coopératives mais enfing, bong, elle a pas dit nong !
- Vous savez pourquoi ? Parce qu'elle a été tellement battue par ses frères et les hommes à qui elle se refusait, qu'elle préfère aujourd'hui laisser un salaud se soulager dans son ventre plutôt que d'être tabassée et violée.
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Regarde cette masse de crétins qui tournent en rond autour de nous. Certains crient et protestent toute la journée. D'autres ne disent jamais un mot ou parlent aux gardiens en ricanant, comme s'ils se payaient leur tête. Imagine au milieu de ce ramassis de dégénérés quelqu'un qui reste CAAAALME mais pas prostré, qui vaque avec rapidité mais sans agitation à des occupations précises et utiles qu'on lui a confiées, qui s'adresse aux gardiens avec amabilité, qui adopte en permanence une attitude constructive et posée. Ne crois pas que ce patient donnera ainsi la preuve qu'on l'a interné à tort : il démontrera au contraire l'utilité de son internement et la qualité des soins qui lui ont été prodigués. Du coup, il deviendra éminemment sympathique aux yeux des gardiens et de tout le corps médical. A lui, alors, de monnayer ce capital de sympathie qu'il aura su accumuler.
(p. 101-102)
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