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Critique de Lucilou


Allez savoir pourquoi, j'avais ces jours-ci, des envies de XVII°siècle et de Versailles. Pour autant, je n'avais aucun désir de relire les romans louis quatorzien et consorts de ma bibliothèque.
Des envies de XVII°siècle, oui, mais de nouveauté.
Quand j'en ai eu assez d'écouter en boucle Jordi Savall et le Concert des Nations jouer du Lully, j'ai enfin pris les choses en main et me suis mise en quête du Livre. Mes recherches et Babelio m'ont poussée dans les bras du "Roi des Ombres" et mon dieu, quel bonheur!

Quand on pense à Versailles, on songe aux dorures et aux miroirs étincelants de la Galerie des Glaces, aux plaisirs de l'île enchantée et aux représentations des pièces de Molière, aux robes étourdissantes de Louise de la Vallière et d'Athénaïs de Montespan. On a en tête les noms du roi et de son entourage, des nobles de sa cour et des gentilhommes désargentés débarquant de leurs provinces qui ont tout pour faire de parfaits héros de romans.
En revanche, on ne pense jamais aux petites mains. A ceux qui ont fait Versailles, qui pataugeant dans un marais crasseux et mourant de fièvres et de diarrhées; qui s'échinant sur la toiture et risquant la chute et la perte de ses jambes; qui préparant le festin du soleil sans pouvoir en récupérer une miette et devant se contenter d'un brouet trop clair et des grenouilles (ou -horreur suprême- des escargots ) grouillant autour des masures des artisans.
Et pourtant!

Et pourtant (bis), c'est à eux qu'Eve de Castro pense. Ce sont eux -barbiers, étuviers, perruquiers, rôtisseuses, fontainiers, jardiniers, valets, servantes, terrassiers, les héros du "Roi des Ombres", véritable fresque, épopée passionnante qui nous plonge en plein coeur de Versailles et dans le quotidien certes des grands de ce monde, dépeint avec luxe de détails, mais surtout dans celui de ceux qui les servent. Les humbles aussi ont leurs passions, leurs secrets, leurs tourments. Leur histoire. Et elle est captivante.

Dans une langue exigeante et savoureuse, un mystérieux narrateur s'attache à nos pas et nous délivre le récit de la vie de Batiste le Jongleur et de Nine La Vienne. le premier est un voyou, grandi dans la boue et sur le pavé, séduisant et dévoré d'ambition. La seconde ne manque ni de courage, d'audace ni d'intelligence et elle ne veut pas de la vie qu'on réserve aux femmes en ce temps là. L'un et l'autre sont bien décidés à tracer leur propre route, à l'ombre du soleil.
Dans le roman, Versailles se révèle: c'est un bal, une mascarade où la noirceur et la brutalité se cachent sous la badinage et des les dorures. Eve de Castro le fait revivre avec vivacité et profondeur, créant des personnages forts auxquels on s'attache et dont on suit le parcours avec avidité... et compassion. Certes, elle ne nous épargne rien: ni les vices, ni la misères, ni les chagrins insondables, ni le sang, ni les coups mais elle le fait comme la meilleure des conteuses, la plus hypnotique.
Il en ressort un roman historique cruel et addictif, sublime et enténébré, mêlant habilement à son formidable souffle romanesque la petite et la Grande Histoire.
Beau et implacable comme Versailles au coucher du soleil, comme "Le Roi (des Ombres) danse".

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