Citations sur Une enquête de Nola Céspedes : Après le déluge (28)
[...] En 2005, quand l'ouragan Katrina a provoqué des coupures d'électricité et que le maire, Ray Nagin, a ordonné l'évacuation de la ville, plus de mille trois cents délinquants sexuels fichés en ont profité pour disparaître des écrans radars. Aujourd'hui, trois ans plus tard, huit cents sont toujours introuvables. [...] Ça fait potentiellement beaucoup de pervers dans nos rues.
Il est possible -seulement possible- que le monde ne soit pas aussi redoutable que je le craignais. Il est possible que je n'ai pas besoin d'être aussi dure, aussi repliée sur moi-même. Il est possible que la nageoire à la surface ne soit pas forcément celle d'un requin.
Avril est le mois le plus cruel, d'après Eliot, parce que le printemps révèle les aspirations secrètes en mêlant souvenance et désir.
C'était peut-être vrai dans les deux Angleterres d'Eliot, la vieille et la Nouvelle où la terre gèle, où les hommes s'emmitouflent dans des vêtements de laine.
Mais ici, à la Nouvelle-Orléans, le sol ne durcit jamais. Saturé de chaleur et d'humidité, il bouillonne et se soulève. La végétation est luxuriante toute l'année, les vrilles des plantes grimpantes partent à l'assaut de tous les supports auxquels s'accrocher.
Ici, souvenance et désir sont toujours mêlés et le désir ne s'endort jamais.
Je sais qu'on me considère comme exubérante, parce que je suis toujours en train de bavarder, de faire entendre les intonations chantantes qui me restent de l'espagnol appris dans mon enfance, et parce que je choisis toujours des tenues voyantes, des chemisiers trop moulants d'un rouge trop éclatant. Les autres femmes, tirées à quatre épingles, ne manquent jamais de gratifier d'un regard réprobateur l'épais trait d'eyeliner noir qui souligne mes yeux, le gloss bordeaux sur mes lèvres, les grosses créoles en or à mes oreilles, à travers lesquelles je pourrais passer le poignet.
La vie d'un gosse, c'est pas toujours une partie de plaisir, on en est tous bien conscients. Y a toujours un oncle pas net dans le coin, ou un grand-père aux mains baladeuses. Vous pouvez me croire, je sais de quoi je parle. Faut juste ouvrir l'œil, rester vigilant. Les petits doivent apprendre à se méfier.
Presque tous les violeurs sont des hommes, presque tous les pédophiles aussi. Il arrive que des femmes abusent d'enfants, mais la proportion est infime, et dans l'imaginaire collectif c'est une figure masculine qui hante ce créneau effrayant.
Je suis peut-être née ici, mais je n'ai pas l'intention d'y moisir. J'ai pour ambition de rédiger quelques papiers chocs, de me faire remarquer, de boucler mon sac et de porter mes articles à un vrai journal dans une vraie ville.
[...] Notre ville est bâtie sur un sol peu profond ; la nappe phréatique s'étend juste sous nos pieds. Quand ces mêmes troupes britanniques ont perdu la bataille de La Nouvelle-Orléans, elles ont voulu ensevelir leurs morts, mais la boue a rejeté les cadavres ruisselants et pourrissants, comme dans un cauchemar peuplé de zombies. Nous nous fardons et nous sculptons des anges de pierre. Nous buvons de l'absinthe et faisons un double nœud aux rubans de nos masques. Nous embellissons tout ce qui peut l'être. Ici, à La Nouvelle-Orléans, rien de ce qui est enterré ne peut le rester longtemps.
[...] Je n'avoue cependant jamais mes aventures sur les terrains de foot.
[...] Jeune, célibataire, et toujours à la limite du découvert bancaire.