Richard, lui, ne m'a rien laissé croire ; me voilà pourtant enchaînée à cet endroit du monde où l'on me dit que les arbres ne poussent pas, forçant mes jeunes racines à pénétrer une terre aride qui jamais ne me nourrira, acharnée, cherchant l'eau là où il n'y a que désert. J'aime cet homme.
C’est alors que j’ai commencé à l’aimer contre mon gré, c’est alors que j’ai commencé à m’en défendre, à me l’interdire, et à échouer.
Pour gagner, il faut perdre dit-on. J'ai choisi de tout perdre et je crains de n'avoir rien gagné. Je fais sans doute partie de ces gens que l'on doit se résoudre à classer dans la catégorie "malentendu", je veux dire : de ces êtres que l'on invente et idéalise, sans doute parce qu'ils souffrent d'un cruel défaut de personnalité et accueillent, comme une pâte à modeler, les fantasmes de tout un chacun. Une fois le masque tombé, on admet que le coquillage sonne creux et qu'on n'y entend pas la mer, mais le vide le plus absolu.
On ne voit de l'extérieur que ce que notre âme veut bien y projeter.
Alors la question s’est posée. Car quand on commence à aimer, il s’agit de décider si l’on va aimer. Ou non. Je veux dire : s’abandonner. Ou pas.
Peut-être même que je l'aimais déjà tout court. Le corps et la tête. Lui tout entier. Puisque tout vient avec, une fois la brèche ouverte.
Nous sommes capables de désirer beaucoup, mais de vivre très peu.
On ne fantasme jamais seule, on ne se voit jamais sur le point de faillir par son seul désir, il faut bien qu’il y ait quelqu’un en face pour t’inspirer le désir, le désir d’une histoire, et surtout : te l’autoriser ; on s’engouffre dans la brèche que quelqu’un à ouverte sous tes yeux.