Citations sur Monsieur Edgar et les impatients (16)
Vous savez, Monsieur Edgar, on parle souvent de l'ingratitude des enfants lorsque les parents vieillissent. Mais la vérité, c'est que l'on a la famille que l'on a construite. le fin de vie, c'est comme le passage à la caisse de la supérette.
Malgré la maigre épaisseur des murs, mon petit appartement m'offrait une forme de protection contre mes cinglés de voisins. S'aventurer dans les parties communes, en revanche, s'apparentait à une mission en terrain hostile, ou à un épisode de Koh-Lanta, dans lequel je serais seul face à la tribu des dégénérés réunifiés.
Son usage des adjectifs et des adverbes était très personnel en revanche. Selon elle, le paquebot était "extrêmement magnifiquement sublime de beauté ravageuse et éblouissante" et la nourriture "si délicieusement savoureuse que seuls des anges pouvaient avoir cuisiné pareil régal fantastique pour les sens". À côté de la prose de Maryse, la longueur des phrases de Proust tenait de Martine fait du Vélib'.
Monsieur Edgard, à mon âge, la folie c'est tout ce qu'il reste !
Toutes les histoires ne grandissent pas sur papier. Certaines sont faites pour être dites, pour être claironnées dans les couloirs d'une résidence, sur les bancs d'un parc, pour être détournées, transformées, au gré de la fantaisie d'une bande de vieux drilles se rêvant détectives.
Les seuls mourants que j'avais côtoyés vivaient dans mes livres. Je n'avais perdu personne, vu souffrir personne, et, si la littérature possède bien des pouvoirs, si elle nous ouvre des portes vers des mondes qui nous sont étrangers, elle ne nous prépare pas à cette peur viscérale de voir disparaître tout ce qui fait le caractère unique d'une personne qui nous est chère.
Lors de la rédaction de mes précédents tomes, j'étais parcouru par une sorte de frisson dès que je m'installais devant l'ordinateur et commençais à écrire. Certaines phrases s'entrechoquaient dans ma tête avec une telle urgence que j'avais l'impression que mes doigts tapaient trop lentement pour suivre le fil de mes pensées. Je n'écrivais pas des essais ou des pamphlets qui changeraient le monde, mais l'acte d'écrire me paraissait alors nécessaire, vital.
Avant de publier un livre, la plupart des auteurs en ont écrit plusieurs, que personne n'a lus ou dont personne n'a voulu ! Si vous saviez le nombre de textes et de brouillons qui dorment dans mon ordinateur !
Pourtant, lorsque je n'écris pas, j'écris. Chaque tableau admiré, chaque arbre croisé, chaque personnage rencontré au gré d'une lecture, chaque conversation épiée à la volée dans un bus ou une file d'attente, le rire d'un enfant, le regard affole d'une personne âgée, l'exaspération d'une caissière, ne sert qu'à nourrir les futures phrases que j'écrirai.
Aux yeux du monde, un écrivain, lorsqu'il n'a pas le nez collé à son ordinateur ou son carnet, glande. C'est un vacancier qui ne s'assume pas. Une feignasse.