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Critique de Lazlo23


La Famille de Pascual Duarte se présente comme une confession, rédigée dans sa cellule, par un condamné à mort. Le terme de confession est à lire ici de deux manières différentes : prendre la plume permet à Pascual Duarte de raconter sa vie, jalonnée par toute une série de malheurs et de meurtres ; mais c'est aussi pour lui l'occasion de se confesser, donc de prétendre au pardon chrétien. Si Camilo José Cela insiste tant sur ce dernier aspect, c'est peut-être pour ménager la censure franquiste, que la violence du livre (publié en 1942) n'aurait pas manqué, sans cela, d'effaroucher.
« Moi, monsieur, je ne suis pas mauvais, et pourtant, j'aurais toutes les raisons de l'être. », écrit en préambule, Pascual Duarte, ce qui est, convenons-en, une bien curieuse manière de faire amende honorable. Et pour mieux enfoncer le clou, il ajoute : « Nous, les mortels, nous avons tous la même peau en naissant ; cependant, à mesure que nous grandissons, le destin se plaît à nous différencier, comme si nous étions de cire, et à nous conduire par des sentiers différents vers une seule et même destination : la mort. »
C'est entendu, le personnage ne se considère pas comme entièrement responsable de ses actes : pèse sur lui une forme de déterminisme, un destin, qui le pousse à agir. Celui-ci prend souvent la forme de la « hombría », ce code social et moral qui oblige le mâle espagnol à laver son honneur par tous les moyens, y compris dans le sang : « Si ma condition d'homme m'avait permis de pardonner, j'aurais pardonné, mais le monde est ce qu'il est, et il est vain de vouloir nager contre le courant. »
À la manière naturaliste, le roman insiste également sur les conditions de vie sordides et la lourde hérédité du personnage (parents alcooliques et violents, sœur dépravée, etc.)
Mais cela n'explique pas tout : certains de ses actes échappent à toute explication rationnelle, comme par exemple lorsqu'il abat sa chienne, l'un des moments les plus saisissants du livre. Cette dimension pulsionnelle (et comme libératrice) du crime est encore plus évidente à l'occasion du dernier assassinat « confessé » par Pascual et qui clôt le roman : « Je suis allé dans la campagne et j'ai couru, couru sans m'arrêter des heures durant. La campagne était fraîche et une sensation voisine du soulagement courait dans mes veines… Je respirais... »
En lisant La famille de Pascual Duarte, j'ai été frappé par une certaine ressemblance avec l'Étranger d'Albert Camus, publié la même année. Dans les deux cas, on a affaire à des personnages qui agissent moins qu'ils ne sont « agis » par des forces souterraines et mystérieuses. Autre point commun, une nature brûlée par le soleil (le roman de Cela se passe en Estrémadure, l'une des régions les plus arides d'Espagne) et la présence constante de la chaleur qui pèse sur les êtres et leurs actes comme une malédiction...
Je ne puis pas dire que j'aie adoré ce roman, âpre et suffocant comme un verre d' « orujo », et dont le personnage central est tout sauf sympathique. Mais j'ai été très sensible à sa langue et à son style, mélange réussi de parler populaire et d'écriture savante.
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