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Critique de Renod


« Bourlinguer » est un recueil de onze récits portant chacun le nom d'un port : Venise, Naples, La Corogne, Bordeaux, Brest, Toulon, Anvers, Gênes, Rotterdam, Hambourg et « Paris Port-de-mer ». le premier et le dernier récit ont en commun la fascination pour une bibliothèque et les livres anciens. Dans « Venise », qui ouvre le livre, Cendrars raconte la vie de l'aventurier Niccolao Manucci, embarqué clandestinement dès son plus jeune âge sur un bateau et qui livra ses mémoires après cinquante années de bourlingue à travers l'orient. Les destins de Manucci et de Cendrars sont similaires. Ils partagent la même passion du voyage, la même frénésie qui pousse à partir à l'aventure. Il est essentiel de vivre. Et pour écrire, il est indispensable d'avoir vécu. Cette existence passée à bourlinguer sur tous les continents est la matière première du récit autobiographique. le vécu s'enrichit d'éléments oniriques et livresques pour se transfigurer en une fiction ensorcelante. La description amorce une explosion de l'imaginaire. le récit est parfois difficile à suivre tant les disgressions s'accumulent : les réminiscences, les anecdotes et les considérations philosophiques s'entremêlent au fil de l'histoire. Certains passages sont de vrais poèmes en prose d'une très grande beauté. Cendrars sait décrire avec un immense talent un quartier populaire de Naples (à travers ses yeux d'enfant), le bombardement de Hambourg pendant la seconde guerre mondiale (à travers le témoignage d'un fugitif), une émeute à Rotterdam, les étagères d'un bibliophile parisien ou la défense aérienne de l'Angleterre. Son écriture est vivante, animée, pleine d'ardeur, et s'approche du langage parlé. Cendrars a toute sa place dans le panthéon de la littérature française, aux côtés de Céline, leurs styles partageant de nombreux point communs ; même si, à sa différence, il est porté par un profond amour de l'homme, du peuple, quel que soit le pays ou l'origine, avec qui il partage volontiers ses histoires et des verres d'eau de vie.
A noter que «Gênes », le récit le plus long qui pourrait être un roman à part entière, tient une place particulière dans le recueil. Cendrars revient à Naples où il a passé de nombreuses années de son enfance. Il souhaite se ressourcer dans un jardin fermé, le clos de Vomero qui abriterait le tombeau de Virgile. Ce moment de recueillement, puis la traversée qui suivra sur un bateau cherchant à importer frauduleusement du vin en Italie, permettent à l'auteur d'évoquer ses souvenirs d'enfance, d'effectuer une longue introspection et de s'interroger sur sa vie, son identité et l'écriture.
"Bourlinguer" est un brassage de témoignages, de poésie, de récits de voyages qui frappe par son authenticité et sa beauté. C'est un chef d'oeuvre que je vous le conseille vivement.
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