AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Comprendre la littérature de jeunesse (17)

Jean-Philippe Arrou-Vignod : [A propos de la littérature de jeunesse aujourd’hui] J'ai l'impression qu'on pourrait l'opposer à ce qu'étaient mes lectures lorsque j'étais enfant, c'est-à-dire le livre POUR enfants. Aujourd'hui, on ne parle plus de livres pour enfants, on parle de littérature DE jeunesse. L'on a supprimé ce « pour » qui faisait d'elle la seule littérature définie par son destinataire. (...) S'il y a une littérature de jeunesse, je crois qu'elle se définit par un esprit et non par ses sujets, car la littérature de jeunesse parle absolument de tout. Elle aborde tous les genres, du polar au roman historique, du roman psychologique au fantastique... Ce qui la caractérise, c'est plutôt la façon dont le sujet est traité, la façon de considérer l'intrigue et les personnages. Je parlerais volontiers d'une littérature à hauteur d'enfance. Écrire un livre jeunesse, c'est s'installer dans un réseau de perceptions du monde qui est celui de l'enfance ou de l'adolescence, mais qui a besoin pour s'exprimer des ressources et de l'art des adultes que nous sommes devenus. pg 109
Commenter  J’apprécie          00
Un regard sur la situation antérieure a d'abord permis de relativiser le phénomène. En 1996 déjà, la spécialiste suédoise Maria Nikolajeva constatait la désintégration du récit épique traditionnel caractérisé par un narrateur unique, un récit chronologique, une intrigue linéaire et une fin apaisante. (...) Dans le catalogue de quatre éditeurs français des années 1997 à 2000, plus de 10% des titres adressés aux adolescents étaient déjà marqués par le phénomène d'une instance narrative multiple ou hybride : des romans à plusieurs voix, avec des changements de la focalisation ou du point de vue. La tendance était donc déjà ancienne, mais elle prenait de l'ampleur.
Comment pouvait-on alors expliquer ce succès d'un procédé d'écriture somme toute assez particulier ? L'hypothèse que je propose renvoie à une double évolution, celle du monde à représenter dans la fiction et celle des supports du récit.
Le monde que les auteurs représentent a changé : nos sociétés sont de plus en plus marquées par les multi, les pluri et les trans : milieux multiculturels, recherches pluridisciplinaires, récits transmédiatiques, familles recomposées, identités transgenres, fonctions multitâches... Le jeune lecteur se trouve face à un monde atomisé, éclaté dans lequel il n'y a plus UN grand récit sur lequel tous s'accordent, mais DES histoires, non plus UNE vérité imposée, mais DES réalités, toutes différentes. La question qui se pose alors aux auteurs est celle-ci: comment traduire en récits la relativité des normes et l'importance des différences ?
(...)
Les phénomènes de polyphonie, de fils narratifs multiples, de changements de focalisation s'inscrivent (...) au cœur des enjeux spécifiques de la littérature de jeunesse. Historiquement, le recours à ces procédés littéraires complexes peut s'expliquer par des raisons qui tiennent aux auteurs eux-mêmes. À la fin des années 1980, beaucoup d'auteurs jeunesse se perçoivent inférieurs par rapport à leurs collègues qui s'adressent aux adultes. Ils vont chercher à renforcer leur légitimité littéraire, notamment par l'usage de procédés qui augmentent la littérarité du texte, qui manifestent la liberté créatrice des auteurs et qui rapprochent ces derniers de leurs collègues auteurs pour adultes. Dans les années 1990, nombre de titres soutenus par les prescripteurs sont marqués par la complexité narrative : chronologie déstructurée, début abrupt, roman épistolaire, polyphonie narrative, récit encadré… pg 101-102
Commenter  J’apprécie          00
Le jeune lecteur doit comprendre, il doit être séduit, mais aussi respecté. Pour assurer la compréhension du roman par un lecteur en formation, les auteurs apportent quelques changements à leur écriture, mais sans toucher à la phrase, qui reste de longueur identique. C'est dans le vocabulaire qu'ils effectuent des choix différents, en se montrant moins enclins à l'usage de mots jugés rares ou difficiles. C'est aussi en indiquant plus clairement la présence de dialogues ou de pensées intérieures, par exemple par l'usage systématique de verbes introducteurs de parole. Enfin, les auteurs prennent parfois la peine de s'arrêter dans leur récit pour fournir à leur jeune lecteur les moyens de comprendre : cette pause dans la narration permet de donner une information parfois nécessaire. Tous ces choix convergent donc vers une première préoccupation : la compréhension par le lecteur.
La deuxième préoccupation des auteurs est de séduire un lecteur perçu comme « non complaisant », selon l'expression d'Aidan Chambers. Cette séduction passe par deux stratégies qui se manifestent dans les choix des auteurs : la stratégie de la tension et la stratégie de la proximité. La tension repose sur plusieurs choix en matière d'écriture. D'abord, la préférence très nette pour le roman en « je », avec un narrateur-personnage qui s'exprime au moment des faits. On voit ainsi clairement que les auteurs choisissent plutôt l'énonciation de discours. Le lecteur est face à un « je » qui lui parle ici et maintenant, comme s'il était dans un direct audiovisuel et cela produit une tension qui mobilise l'attention. La stratégie de la proximité fonctionne avec la présence d'un narrateur-personnage enfant ou adolescent qui s'adresse au lecteur sur un ton confidentiel, dans une langue très proche de l'oral et qui ressemble à une conversation. Le résultat est une sensation de proximité exceptionnelle entre le lecteur et ce narrateur-héros, une proximité qui donne la sensation d'une rencontre virtuelle.
La troisième préoccupation des auteurs porte plutôt sur les contenus. Les auteurs respectent leur lecteur en veillant à ne lui donner à voir que ce qu'il peut comprendre à son âge. (...) Quasiment tous les auteurs optent pour une perspective juvénile, qui limite forcément la vision de l'histoire à ce qu'un jeune lecteur peut en réceptionner. Pourtant, cette attitude réservée n'empêche pas d'aborder les thèmes attendus par les lecteurs : sexe, violence, politique sont donc évoqués, mais dans des limites et des formes adaptées au jeune public. Les thèmes tabous restent au cœur des œuvres ; c'est leur traitement qui est particulier et adapté au public lecteur, dans des récits qui prennent souvent la forme de romans de formation et/ou d'initiation.
En conclusion, des différences claires apparaissent en termes d'écriture, mais aussi dans le traitement des thématiques. Le roman adressé à la jeunesse se présente donc comme un objet littéraire tout à fait singulier. pg 93-94
Commenter  J’apprécie          00
Je me permets de partager avec vous une hypothèse sur le rôle du roman destiné aux adolescents aujourd'hui. Quand on parle de formation/initiation du héros, on peut à chaque fois penser aussi à celle du lecteur, qui est conduit à vivre, par procuration, l'aventure présente dans le récit. La formation/initiation offerte dans le roman s'opère donc aussi hors du livre, dans la conscience du jeune lecteur, et ceci doit conduire à s'interroger sur la fonction sociétale du roman adressé aux adolescents. Dans un contexte contemporain où les rites traditionnels ont disparu, où le dialogue intergénérationnel semble en panne parce qu'adultes et adolescents éprouvent des difficultés à communiquer, le roman remplit sans doute une fonction initiatique au sens large, dans la mesure où il supplée à l'absence ou à l'inefficacité du discours adressé par les adultes aux générations montantes. Il s'agirait donc de transmettre - par le roman - une mémoire, des valeurs et des usages culturels.
Ce processus de transmission s'inscrit en dehors des modèles traditionnels fondés sur la parole à écouter ou le geste à imiter. Ici, la médiation s'opère par l'imaginaire: le récit de fiction n'offre aucun contact réel, puisque le héros fictif est suivi par un lecteur qui s'enrichit des informations, expériences et valeurs présentes dans le récit. La lecture du roman assure ainsi une rencontre virtuelle, entre deux pairs, l'adolescent-héros et l'adolescent-lecteur, et en l'absence de tout adulte, puisque l'auteur s'efface souvent derrière un narrateur adolescent. pg 89
Commenter  J’apprécie          00
Beaucoup de romans pour la jeunesse s'inscrivent dans la tradition des romans de formation et/ou d'initiation (...).
Le roman adressé aux adolescents présente en effet assez souvent les caractéristiques d'un roman de formation (Bildungsroman, comme disent les Allemands) ou d'un roman d'initiation. Le modèle incontesté du roman de formation est un chef-d'œuvre de Goethe, intitulé Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister (1796). Comme l'indique son titre, le roman est centré sur les années d'apprentissage d'un jeune héros. Quand on parle d'initiation, on se réfère souvent à Mircea Eliade, qui a défini ce concept dans le cadre religieux des sociétés traditionnelles. Il parle d'un “ensemble de rites et d'enseignements oraux, qui poursuit la modification radicale du statut religieux et social du sujet. [...] À la fin de ses épreuves, le néophyte jouit d'une tout autre existence qu'avant l'initiation : il est devenu un autre”.
Ce concept d'initiation est repris par les psychologues et sociologues contemporains. Dans un ouvrage collectif intitulé Adolescence et risque, Barbara Glowczewski le présente comme suit : “Elle [l'initiation] se définit habituellement comme un rite de passage avec trois étapes : 1) la séparation qui isole le novice de sa famille, en général mise en scène comme une mort symbolique ; 2) la réclusion dans un endroit caché où le novice, seul ou en groupe, est souvent contraint au silence et subit des épreuves corporelles, situation comparée par certains à une gestation symbolique ; 3) enfin, la réintégration dans la communauté lors d'une fête où l'initié est accueilli comme un nouveau-né qui acquiert des droits nouveaux pour parler et agir. pg 85
Commenter  J’apprécie          00
Avec humour et insolence, Astrid Lindgren défie le classique livre pour enfants d'autrefois et sa vision pédagogique de l'enfant considéré comme un être malléable. La vie de Fifi a d'ailleurs été difficile à avaler pour certains milieux pédagogiques conservateurs. Plus qu'une enfant, Fifi est un boute-en-train qui personnifie tous les désirs de l'enfance. Elle incarne une irrépressible vitalité, elle allie le rêve de liberté à la volonté de puissance et de révolte, et retourne les armes des adultes contre eux-mêmes. Au fond, elle questionne la société et ses normes, et les trois livres de Fifi Brindacier peuvent très bien se lire comme une satire”. - analyse donnée par la Suédoise Boel Westin in La littérature enfantine de Suède, Institut suédois, 1991, pg 25
Commenter  J’apprécie          00
En 1949, le verbe démoraliser signifiait éloigner de la bonne morale ; aujourd'hui, ce mot recouvre un tout autre sens, celui de désespérer. pg 15
Commenter  J’apprécie          00





    Lecteurs (63) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

    Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

    amoureux
    positiviste
    philosophique

    20 questions
    856 lecteurs ont répondu
    Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

    {* *}