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Critique de Merik


On a connu Javier Cercas spécialiste de non-fiction dans Anatomie d'un instant, capable de disséquer sur des centaines de pages d'un récit dépourvu de la moindre fantaisie littéraire la tentative de coup d'état espagnol du 23 février 1981. On l'a lu se questionner sur la fiction dans L'imposteur, en érigeant là-aussi sans la moindre fanfaronnade romanesque la biographie d'un homme qui avait quant à lui fait de sa vie un roman. On le connait pour sa passion envers la vérité et l'histoire espagnole, spécialiste de récit du réel, ayant un rapport particulier à la fiction. Difficile dans ces conditions de l'imaginer auteur de polar.
C'est pourtant bien sur ce terrain que nous plonge d'emblée cette fiction, par la découverte macabre d'un triple assassinat dans la comarque de Terra Alta. Les Adell n'avaient certes que peu d'amis dans le secteur, peu ou prou de vie sociale, le patriarche en cacique à la tête de son entreprise des Cartonneries d'Adell, adepte de management à l'ancienne. Mais de là imaginer et surtout comprendre ce carnage et cette torture avant la mise à mort du couple d'industriels nonagénaires - sans trop s'attarder sur la domestique roumaine, la horde d'enquêteurs dépêchés sur les lieux aura bien du mal à le faire. Y compris Melchor. Surtout Melchor devrait-on dire, lui l'étranger transféré au commissariat de la comarque pour se mettre à l'abri d'éventuelles représailles barcelonaises. C'est d'ailleurs tout autant sur lui que se portent d'emblée le mystère et le récit en s'installant dans un ping-pong narratif au gré des chapitres, le lecteur avide des deux histoires, celle de l'enquête au présent et celle sur le passé de Melchor, se demandant en découvrant sa bio comment elles vont bien pouvoir se rejoindre. Il faut dire que le personnage vient de loin. Un fils de prostituée assassinée et de père inconnu, à la jeunesse tumultueuse finalement incarcérée, ayant semble-t-il trouvé sa voie dans la police et sa raison d'être dans la lecture des romans du XIXe siècle, Les misérables en tête d'affiche : " la rancune et le désespoir de l'orphelin transformèrent le roman en un vade-mecum vital ou philosophique, en un livre oracle ou sapiential, ou en un objet de réflexion à faire tourner comme un kaléidoscope."
Si Melchor hésitera à s'identifier à Jean Valjean ou à Javert, le lecteur fidèle à Cercas aura quant à lui vite fait d'identifier l'auteur ibérique. le genre change, mais l'empreinte reste. On retrouve dans ce polar addictif son obsession de la vérité voire la justice incarnée dans l'acharnement d'enquêteur de Melchor, tout comme l'histoire récente de l'Espagne s'invite dans le déroulé de l'intrigue, car "ici, tôt ou tard, tout s'explique par la guerre". Mais on ressent surtout son talent indicible à accrocher le lecteur dans ses histoires.
Une trilogie est annoncée.... alors vivement la suite.

"Le problème, c'est que la réalité est pleine d'invraisemblances. Et en cela, elle ne ressemble pas aux romans, n'est-ce pas ?"

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