Le dalang. Celui qui tire les ficelles des ombres derrière l'écran blanc du théâtre javanais. Le récitant des éternelles épopées qui inscrit dans le temps la geste de Râma, la guerre du Mâhâbhârata, les passions, les haines et la folie des nains, des géants, des mortels et des dieux. Le conteur poète qui se fait sphinx pour mettre en marche la machine à broyer les héros.
Moi j'ai tenté l'aventure sans espoir; j'ai dansé sur le cratère des volcans et j'ai volé vers la couronne du soleil en sachant bien qu'un jour le poids du monde me tomberait sur les épaules et que j'allais être forcée d'assumer la destinée des fous d'orgueil jusqu'à ce que Némésis la vengeance ait fini de me marcher sur le ventre et que je crève juste devant les portes du ciel où je n'entrerai jamais.
une gamine rêveuse lunaire et mercurienne comme moi
J'ai dansé sur le cratère des volcans et j'ai volé vers la couronne du soleil en sachant bien qu'un jour le poids du monde me tomberait sur les épaules
Nuits farouches, secrets gardés. Nuits antiques, chœur des filles de Peliatan à la tête casquée d'or, nuit râmâyanesque aux murs de Prambanan, nuits des rois d'Ur de Sumer et d'Akkad, nuits babyloniennes de Borobudur, nuits carolingiennes, chars des rois fainéants sur les routes de Java central et chaume aux merus des temples, nuits américaines de Djakarta l'interlope la violente la crapularde cité des terrains vagues, des hélijaks à moteur, du drive-in et des canaux de boue. Nuit hermétique, nuit dionysienne, nuit poisseuse de mousson, gouffre aux chimères. Nuits d'ultra-violence, transe et spasme, les chamanes ont quinze ans, fument la morphine, marchent sur le feu et flanquent des peignées aux flics. Pays d'éternelle jeunesse. A l'est du détroit de Makassar les îles n'ont pas fini d'émerger, les fonds marins de se creuser et la terre de trembler pendant que le vieux lézard de l'ère primaire rampe encore sur l'île de Komodo.