Le Bâtard de Kosigan, tome 1 : L'ombre du pouvoir

Le sang, c’est la vie, et la vie est au cœur de la magie, c’est elle qui lui donne son énergie et sa force, sa puissance et son élan. Les mots en sont les fils qui peuvent tisser sa toile, et l’esprit en est l’aiguille. Mais plus grand est le sacrifice de source vital et plus grand est le pouvoir obtenu. Il en a toujours été ainsi.

Beaucoup de monde me connait en Flandre, en France et en Bourgogne, et mon épée est allée se battre jusqu'en Italie, et plus récemment jusqu'en Angleterre, pourtant, je dois l'admettre, ma réputation est loin d'être partout des plus reluisantes. Chevalier bâtard, sans vergogne, exilé de son comté natal. Mercenaire, capable des pires bassesses pour arriver à ses fins. Traître. Bonimenteur. Assassin. Homme à femmes. Détourneur de jeunes filles. D'aucuns m'accusent d'avoir échangé mon âme avec le Diable et beaucoup aimeraient m'envoyer en Enfer pour discuter avec lui de l'avenir d'un tel pacte.

Marches du Comté de Champagne, premier novembre de l’an de grâce 1339. C’est l’heure de la prière des Laudes et il fait un froid de glace. Emmitouflé dans des peaux de loups et assis sur la vieille selle de mon cheval, j’attends ma proie.
Dans le gel du matin, le gué de Saint-Anne est une pure merveille : le ciel est limpide et d’une clarté incomparable, l’eau de la rivière Arnance scintille comme de l’or, et les arbres, comme les rochers, sont illuminés par les rayons glacés du soleil de l’aurore.
Je suppose que c’est un bel endroit pour mourir.

Il pue la fourberie et la suffisance, agrémentées d'une dose non négligeable de musc et de sueur vicieuse. Le suivre se révèle donc, tout à la fois, aisé et particulièrement désagréable.

Il faut toujours se méfier de ce que l'on souhaite.

Paysans, bourreliers, artisans de tout poil, marchands venus des quatre coins du monde, curés et diacres, saltimbanques et colporteurs, se mêlent aux belles dames et aux gentils bourgeois sur les gradins. Tous s’agitent et se pressent sur les rambardes. On s’invective pour les dernières places assises, on discute affaires entre amis, on présente sa fille au fils du voisin. Les plus aisés payent quelques sols des saucisses noires d’Anjou, des boudins blancs de Rethel bien grillés, ou de délicieuses galettes ardennaises au lard. Un groupe d’Elfes aux cheveux couleur de feuilles d’été assure la sécurité de la tribune d’honneur.

Pourvu, en tout cas, que ce ne soit pas une femme à qui j'ai promis le mariage, ce sont toujours les plus dangereuses.

Il y a longtemps que j'ai compris que je ne pouvais pas réussir tout ce que j'entreprenais. L'essentiel étant juste, quand on échoue, de pouvoir continuer à essayer.

Décidément, me réveiller dans un lit autre que le mien a tendance à devenir une habitude. Presque autant que de frôler la mort. Au moins, cette fois-ci, je ne suis pas attaché.

Pourvu, en tout cas, que ce ne soit pas une femme à qui j’ai promis le mariage, ce sont toujours les plus dangereuses. (P. 94)