Citations sur Suite à la Dernière Leçon (33)
Depuis que le film se fait, je vis autrement mon engagement sur la fin de vie, autrement les diverses interventions que je multiplie sur le terrain. Le tournage actualise encore davantage le sujet. Grâce à lui, celui-ci se réincarne, reprend chair. Le film fait revenir au galop les sentiments, les sensations d'il y a douze ans, revigorés, en quelque sorte, revivifiés. (p. 141)
Je me prends à revenir à l'alchimie entre ma mère et moi. Si extraordinaire, si rare. Cet étonnant mélange de réciprocité que j'appelais "gigogne" dans le livre, cet encastrement, ce l'une dans l'autre qui définit, parfois, le lien mère-fille lorsqu'il est parfaitement harmonieux. Un sur-mesure d'ébéniste ou de menuisier. (p.73)
C'est aujourd'hui la rencontre. Je la sais décisive. Elles apparaissent ensemble, mais Marthe (Villalonga) se détache dans un halo lumineux que je reconnais aussitôt: celui qu'un visage de vieille dame sait offrir quand la vieillesse est, à ce point, pétrie de vie, de gourmandise. Ma mère avait cette lumière sur le sien. Eblouissante. Espiègle.
(p. 90)
mais peut-on croire ?
Peut-on croire qu'il soit concevable d'entendre sa propre mère annoncer la date de sa mort ?
Peut-on croire qu'une fille accepte cette décision d'abord sans résister ?
Peut-on croire qu'elle veuille ensuite accompagner sa mère sur le chemin d'une mort choisie ?
Peut-on croire que ce cheminement commun puisse faire reculer la peur, l'effroi ?
Peut-on croire que cette expérience si âpre, mais si lumineuse, fût aussi remplie de joie, de rire ?
Peut-on croire que mère et fille se tiennent la main jusqu'à la dernière heure ? (...)
Peut-on croire , en un mot, que la mort s'apprenne comme un ultime acte de vie ? (p. 7-8)
Il fallait que tout soit en ordre avant de partir. Ranger. Trier. Répertorier. Expliquer le comment, le pourquoi, par des petits mots émus et rieurs. Un rituel pour une mort réfléchie, sacralisée, selon une morale connue d'elle. D'elle seule. Une pensée en acte. Des actes pensés. Pour ses enfants, petits-enfants, nous tous qui restions. Elle tenait à nous faciliter la tâche-après- et à nous permettre de trouver notre chemin dans le dédale de son propre parcours. Comme un dernier signe d'adieu, un baiser du bout des doigts. (p. 86-87)
Combien de fois l'ai-je martelé: " Le droit de mourir ne fait pas mourir. Au contraire !"
Pour ceux qui voudraient partir, la certitude qu'ils pourront le faire, librement, légalement, sans violence, le jour où ils l'auront décidé, cette pensée, oui, les apaiserait tant que, pour la plupart, ils renonceraient à se donner la mort. Ce n'est pas de mourir que les Français ont peur, mais de mal mourir. (p. 113-114)
"Je me prends à revenir à l'alchimie entre ma mère et moi. Si extraordinaire, si rare. Cet étonnant mélange de réciprocité que j'appelais "gigogne" dans le livre, cet encastrement, ce l'une dans l'autre qui définit, parfois, le lien mère-fille lorsqu'il est parfaitement harmonieux. Un sur-mesure d'ébéniste ou de menuisier. "
Ce qu'elle fut, ce qu'elle est. Une vieille dame frondeuse, militante, animée d'un enthousiasme pour les choses de la vie, y compris sa propre mort- qui interloque et force l'admiration. Celle qui note sur un petit carnet bleu la liste de ses défaillances au-delà desquelles elle ne veut pas aller. (p. 45)
"Peut -on croire qu'il soit concevable d'entendre sa propre mère annoncer la date de sa mort ?
Peut- on croire qu'une fille accepte cette décision d'abord
sans hésiter ?
Peut- on croire qu'elle veuille ensuite accompagner sa Mére sur le chemin d'une mort choisie ?"
Oui,, il faut parfois l'aimer très fort, la vie, pour lui préférer la mort...