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Critique de BazaR


Ce livre atterrit dans la corbeille des bouquins mitigés, où les éléments que j'adore côtoient ceux que je goûte peu.

Qu'est-ce qui m'a attiré là ? L'époque bien sûr : Paris en 1900, alors que la ville est dans l'effervescence de l'Exposition Universelle qui nous laissera le Petit et le Grand Palais et le pont Alexandre-III entre autres ; lieu et époque remarquables pour une affaire criminelle alors que résonnent encore les échos de l'affaire Jack l'Eventreur de Londres.
Et je dois dire que Chattam m'a régalé avec la maîtrise de son décor. Au début j'ai eu peur qu'il ne se limite au Paris des bas-fonds (très bien rendus d'ailleurs, jamais je n'irai me balader rue Monjol, gulp !) mais petit à petit il pénètre des cercles plus cossus, et surtout il nous fait visiter l'Expo qui devient un élément essentiel de l'énigme. On sent respirer l'atmosphère de progrès dans les starting blocks du 20ème siècle. C'est un Paris que j'aurais adoré contempler. Une époque rude pourtant, où les sentiments ultranationalistes ou anarchistes s'affrontent parfois physiquement et où l'affaire Dreyfus hante les mémoires. Les relations conflictuelles entre les groupes, le comportement du Français vis-à-vis de l'indigène reflètent bien ce qu'ils ont dû être à l'époque. Mais en avançant dans le roman, l'auteur n'a pas pu s'empêcher de faire penser ses héros comme des contemporains qui rejettent l'extrémisme, le racisme et le progrès forcené qui détruit la planète. J'ai trouvé ces anachronismes regrettables.

Mais je ne savais pas vraiment où se situe le coeur de métier de Chattam car je n'en avais qu'un seul : c'est le Mal, montrer son oeuvre, décortiquer sa psychologie. Naïvement je pensais avoir droit à une histoire de meurtre « classique » dans un bel écrin historique. Mais non. Les premiers meurtres sont dégoutants, et la suite encore pire, jusqu'à l'oeuvre ultime du criminel qui est un truc qui ferait dégueuler Hannibal Lecter lui-même (ou alors il l'achèterait pour décorer sa maison secondaire, allez savoir).

Les héros, Guy l'écrivain et Faustine la catin, vont rechercher l'assassin avant tout parce que le premier meurtre implique une personne qui leur est proche. Mais Guy cherche surtout l'inspiration. Il veut pénétrer la tête du psychopathe, apprécier ses rouages, démonter et remonter l'horloge. Tout au long du récit, il se comporte comme un profiler avant l'heure, émet des théories plus ou moins fumeuses, pratique à rallonge la graphologie dans des chapitres longs à n'en plus finir. Il est doué, mais c'est un amateur. Ses théories partent dans tous les sens, aboutissent dans des impasses ou disparaissent simplement du récit. Et évidemment, quand on a tout conjecturé, la vérité se trouve quelque part dans le tas. Ben non, même pas et il sera plutôt surpris à la fin, Chattam nous offrant quelques rebondissements que le lecteur a peu de chances de deviner.
Chattam n'oublie pas de montrer que l'empathie est un don à double tranchant. Si pouvoir pénétrer les arcanes de la pensée d'un criminel est un atout dans une enquête, c'est aussi un pont qui peut permettre à la maladie de passer du criminel à l'enquêteur. Guy sent ses démons endormis se réjouir quand il saisit une caractéristique du Mal qu'il explore. Il en éprouve une certaine jouissance. Et comme je crois que Guy est une forme d'avatar de Chattam, l'auteur lui-même doit aimer se confronter à l'horreur absolu dont l'humain est capable. A un moment donné, Guy prétend vouloir être un passeur qui, en se salissant les mains, permet au lecteur lambda d'avoir un aperçu du Mal en restant tranquillement allongé dans son canapé. Dans cette phrase Guy et Chattam sont confondus.

Voilà. Si vous aimez les horreurs criminelles, pénétrer l'âme des psychopathes, les décors historiques de qualité, vous adorerez ce roman. de mon côté je remercie lyoko d'avoir pioché ce livre dans ma PAL et j'espère que mon billet lui exprimera bien mon ressenti et mon enthousiasme composite.
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