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Critique de fanfanouche24


Emprunt début mars 2022-Chroniqué le 10 mars 2022

Une biographie captivante, narrée avec talent , et accompagnée d'une somme impressionnante d'informations et de documentation. Lecture addictive faite en deux jours !

Ayant revu tout dernièrement des oeuvres de Sonia Delaunay au Musée d'Art Moderne [MAM ], j'ai eu envie de me plonger dans une biographie de cette artiste. L'ouvrage de Sophie Chauveau déniché à ma médiathèque tombait fort bien , pour satisfaire mes curiosités du moment….

Aussitôt la lecture débutée, quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que Sonia D. était née en Ukraine, avait été adoptée très jeune par son oncle (frère de sa mère) qui ne pouvait avoir d'enfant; ainsi Sonia D. fut arrachée très jeune à son pays de naissance, à ses parents, pour vivre en Russie, à Saint-Pétersbourg, avec son oncle et sa tante, un couple très aisé et cultivé, qui lui offriront une jeunesse dorée et un avenir quasi assuré.

Elle put ensuite partir à Paris faire les Beaux-Arts, car cela ne lui aurait pas été possible en Russie ou en Ukraine, car les Juifs n'avaient pas accès aux études artistiques !!!

"Mme Bernstein flaire un talent.Alors sa tante lui fait donner des cours de dessin avec cette femme qui fondera par la suite le musée d'Art populaire. Ce professeur devait être assez épatante pour s'effacer sitôt qu'elle n'eut plus rien à lui transmettre, et insister pour qu'on envoie Sonia étudier en profondeur en Europe. (...)
Merci à Mme Bernstein! Sans elle,pas de Sonia Delaunay !
Juive elle-même, elle n'ignore pas l'impossibilité pour sa petite élève de se frayer ici une place. L'académie des Beaux-arts de Piter est interdite aux Juifs depuis 1897.Donc il faut se rendre à l'étranger pour "développer ses dons" (p.40)

On peut ainsi dire qu'il n'y aurait pas eu de Sonia Delaunay, si son oncle ne l'avait pas recueillie ni si une professeure de dessin n'était pas intervenue afin qu'elle puisse partir à Paris, pour étudier les Beaux-Arts…;une troisième rencontre sera des plus décisives: celle qui lui fit croiser le collectionneur, Wilhelm Uhde (découvreur et collectionneur du Douanier Rousseau et de séraphine de Senlis, entre autres); une forte complicité et amitié naquirent; Ce mécène lui ouvrit grandes les portes des artistes, dans la Capitale; ils finiront, pour des raisons différentes, par faire un mariage de convenance. Mariage qui leur facilitait la vie, à tous deux: lui, homosexuel, pour que sa famille le laisse en paix, et Sonia D. pour ne pas avoir à rentrer en Russie, alors que son oncle insistait afin qu'elle les rejoigne et se marie là-bas !

Difficile de retracer la vie de cette artiste, tant elle vécut plusieurs existences en une seule ! Et puis, cela serait franchement fastidieux de trop détailler ma lecture….

J'ai appris une multitude de choses sur le parcours incroyable de cette femme, qui dessinait, peignait comme elle respirait !.
Une existence remplie à ras-bord par son Amour exclusif de l'Art , ainsi que par son adoration absolue pour son mari, Robert Delaunay, qu'elle prit grand soin de mettre toujours en avant, au détriment parfois, de sa propre carrière !
Une femme complexe, habitée par l'Art… par les échanges multiples avec les autres artistes…. Une femme bourrue et généreuse, pour qui, le culte de l'Amitié n'était pas un vain mot….

Ce qui m'a immensément frappée c'est son obstination à nier, ou à effacer ses origines; même si , au plus profond d'elle, elle était très attachée à son pays…au folklore, aux couleurs, aux saveurs, aux rites de son enfance !

J'ai retenu la phrase suivante qui résume très justement les vastes dénis qu'elle a entretenus toute sa vie…
“Sitôt installée en France,elle fera profession de ne pas se rappeler avoir été ukrainienne ni juive. Femme et artiste, c'est déjà assez difficile.”(p.23)

Totalement captivée par le parcours artistique et humain de cette femme, avec de fortes émotions imprévues, car à la fin de ce récit , j'ai eu la surprise de trouver le nom d'un des mes patrons, éditeur, expert en livres anciens, grand collectionneur , Pierre Berès, qui rencontra Sonia Delaunay, dans les années 1960, lia amitié, et édita en 1971, un ouvrage sur elle… [****”Rythmes et couleurs” , édition Hermann], ainsi que de longs passages sur l'amitié de Cendrars avec Sonia, et la création de leur chef-d'oeuvre commun “La prose du Transsibérien” [ Trésor bibliophilique, toujours activement recherché, que j'ai eu le Bonheur unique d'admirer chez Pierre Berès, alors que je travaillais pour lui, comme catalographe ). Souvenirs, souvenirs... d'années captivantes dans les livres rares et précieux !!!....

Une artiste hors du commun, pleine de paradoxes, d'ombres et de lumières. Ce que Sophie Chauveau rend excellemment…Il me reste à dénicher son autobiographie épuisée, éditée en 1978, “Nous irons jusqu'au soleil”…. Car “cerise sur le gâteau”, l'ouvrage est complétée par une fort intéressante bibliographie, donnant d'autres pistes de recherches complémentaires...!

Une autre difficulté, et pas des moindres,fut qu'elle était "la Femme de..." , ce qui démultiplie l'extraordinaire parcours de l'artiste qu'elle a été et reste dans l'histoire de l'Art du XXe

"Elle a dû batailler ferme pour faire vivre ses deux identités : épouse et veuve d'un génie. ET artiste elle-même."(p.371)


**** manquent cruellement quelques reproductions; il faut se résoudre comme je l'ai fait... aller rechercher les oeuvres de Sonia...les voir ou revoir pour mieux s'imprégner et saisir le parcours de cette artiste complète (entre peintures, tissus, mobilier, objets, etc.)
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