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Critique de candlemas


Une belle découverte...

Bien entendu, pour commencer, je remercie Babelio et les éditions Phébus (le format et la mise en plage sont très agréables à la lecture) pour cette découverte dans le cadre de l'opération Masse Critique.

C'est là ma 1ère participation à une opération Masse Critique, et J'ai débuté la lecture de ce roman avec un a priori : celui de devoir fournir une critique juste et responsable d'un auteur a priori peu connu. Je savais seulement qu'il s'agissant d'un roman historique sous la révolution française, et d'un roman d'apprentissage autour de Martin, garçon étrange (voir 4ème de couverture).
Là était bien sûr l'intention première de l'auteur, je suppose, mais j'y ai trouvé bien plus, qui justifie une note, pour moi, plus qu'honorable, et de conseiller la lecture de cet ouvrage.

Ma critique sera, de prime abord, sévère en ce qui concerne le procédé narratif : classique, et efficace, tout au plus.
C'est à dire que, sur 340 pages, la "vie volée" de Martin prend progressivement corps, se construit, s'étoffe, assez lentement, en trois parties chronologiques bien nettes, une quasi unicité de temps, de lieu, d'action : du théâtre classique en somme.
Les dialogues, assez rares, alternent avec des descriptions qui, au début, m'ont semblé fastidieuses, et la petite histoire de Martin, progressivement, se mêle à la Grande Histoire qui se déroule sous ses yeux. Christian Chavassieux en profite alors pour développer de longues anecdotes sur Versailles, Paris, puis les guerres de Vendée. On a alors le sentiment que la "petite histoire" de Martin n'avance pas, et ne sert que de prétexte à un travail d'érudition sur cette époque. le rythme ne semble s'accélérer, et raviver un peu de suspens, dans les 2ème et 3ème parties, que parce que Martin, poussé par sa Marianne, s'en mêle de plus en plus.
Ce parti pris de l'auteur "refroidit" au début, et rend aussi les personnages un peu froids : ils semblent distants, simples observateurs des événements qu'ils traversent.
La langue assez précieuse, peu spontanée, adoptée dans la 1ère partie, participe aussi de cette prise de distance, qui n'aide pas à rentrer dans le roman...

Et pourtant... il m'aura fallu dépasser les 110 premières pages pour réaliser que tout cela est savamment calculé (ce que confirme la lecture des notes en fin de volume) et fait -aussi- toute l'originalité de ce roman !
Ainsi, le Martin mutique, qu'on pourrait croire autiste dans la 1ère partie, et qui me faisait penser au Grenouille de Suskind, se révèle un formidable témoin de son temps, sur lequel chaque événement s'imprègne comme sur une page blanche : ce Martin n'a pas de passé -ou si peu-, et est -presque-vierge, lorsqu'il "naît" à la fin du 1er chapitre en quittant son jardin. Nul autre que lui, symboliquement, n'aurait pu former si beau couple complémentaire avec la Marianne parisienne de la seconde partie, qui l'accompagne dans son apprentissage citoyen, avant de participer activement à la grande sauvagerie des guerres vendéennes.
De même, les ruptures de langage, travaillées et voulues par Christian Chavassieux, se révèlent être un excellent vecteur pour nous immerger -comme il s'immerge visiblement lui-même- dans ces 3 environnements successifs : Versailles, le Paris de 1790, la Vendée. On passe de Sade ou Cazotte à Léo Malet en passant par Balzac. On apprend moult vocabulaire mais il ne s'agit pas, comme on pourrait le penser de premier abord, d'un étalage de l'auteur, mais d'un vrai enrichissement de l'ouvrage.
On sent également que l'auteur aime les mots, partant parfois dans des diatribes qui font peu avancer l'histoire mais sont belles et poétiques en elles-mêmes.
Enfin, la lecture (aussi passionnante que le roman lui-même) des annexes finira de convaincre le lecteur que, finalement, derrière le sourire figé de Martin, et la distance prise par rapport à des personnages -réels ou pas- et des événements -petits ou grands, mais souvent richement documentés- , l'effacement relatif du scénario, Christian Chavassieux donne au lecteur une place plus grande, une confrontation plus directe avec l'événement historique. Nos consciences du XXIème siècle se trouvent transportées, par ces véhicules sensibles que sont les personnages, dans un siècle qui s'osait politique, et interrogea avec force la citoyenneté, le vivre ensemble, la liberté d'expression, dans les actes et pas seulement dans les mots... en est-on encore capable aujourd'hui, avec autant de force et de candeur ?...

En conclusion, donc, une belle découverte : un roman qu'il ne faut pas lire comme simple fiction dans un cadre convenu, mais au contraire comme mettant en vedette, avec force détails et par tous les sens, par nombre d'astuces qui embellissent le récit, trois environnements, et une page de notre Histoire.
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