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Merci à Babélio et aux éditions Phébus qui m'ont permis de découvrir Christian Chavassieux dans le cadre de cette Masse Critique.

1777-1794

Marie-Antoinette, mariée depuis sept ans au roi Louis XVI se languit d'enfant. Elle en adopte plusieurs qu'elle mignote avec amour. Elle leur donne un nouveau prénom, des vêtements princiers, une éducation de choix et des manières de cour. C'est ce qui arrive à un petit garçon de cinq ans, orphelin, qui devient la coqueluche des proches de la reine tant son visage aux commissures relevées semble constamment sourire. La reine l'appelle Martin Sourire. Adoration de part et d'autre. de courte durée pour Martin car en 1778, la reine devient mère et elle confie Martin à une domestique sans plus trop se soucier de lui. de main en main, le garçonnet finit vacher dans le ravissant hameau rousseauiste que Marie-Antoinette fait construire à deux pas du petit Trianon.

Lorsque la famille royale est emmenée à Paris en 1789, Martin la suit mais dans une autre direction. Il trouve un emploi dans le plus grand restaurant de l'époque, le Beauvilliers, et fait connaissance avec le peuple, brutal, miséreux et grondant, que la prise de la Bastille a conforté dans ses revendications. Plus tard, Martin devient l'homme de confiance de l'architecte Etienne-Louis Boullée. En 1790, empli de l'idéologie révolutionnaire, il entre dans la Garde nationale, puis devient volontaire et participe à la guerre de Vendée. Dans les rangs des colonnes infernales, le sang appelle le sang et l'idéalisme se transforme en assassinats répétés. Son retour au foyer sera compliqué.

Pas d'intrigues, pas de héros, pas d'identification. le personnage principal a été glissé dans cette partie de l'histoire de France pour permettre à l'auteur de s'épancher sur certains épisodes et personnages moins connus de cette époque troublée. L'idée est sympathique et plaide en faveur d'une recherche documentaire approfondie au détriment du roman.

La construction du hameau de la reine et l'ambiance active qui règne dans ce village miniature n'ont plus de secret pour le lecteur. La vie dans les cuisines du Beauvilliers fait immanquablement penser au Ratatouille de Pixar, tandis que l'oeuvre visionnaire et fascinante de l'architecte Boullée se lit passionnément à travers ses projets et dessins soigneusement conservés aujourd'hui à la Bibliothèque nationale. le chapitre consacré à l'action sanglante des colonnes infernales du général Huché à La Gaubretière, les paragraphes relatifs aux protagonistes de la Terreur ainsi que les pages commentant les supplices librement consentis des convulsionnaires, mettent du piment dans cette lecture agréable qui, faute de consistance dans les caractères des personnages, ne laissera cependant pas de souvenir durable.

Puisque Martin est un enfant volé, il semblerait logique qu'il cherche à retrouver ses origines, ses frères et soeurs mais il se contente d'une consultation chez un tarologue véreux. Dommage.

L'écriture est extrêmement soignée et renforcée par l'utilisation de vocabulaire de l'époque. Mention spéciale pour les annexes fort intéressantes qui témoignent de cet esprit de recherche et d'analyse de l'auteur : une chronologie simple mais efficace, un glossaire des mots anciens, une biographie significative de tous les personnages mis en scène et, surtout, une bibliographie annotée et commentée que, pour ma part, je ne me souviens pas avoir vue chez un autre auteur.

Nul doute que je me donnerai une autre chance de mieux connaître Christian Chavassieux.

2,5/5
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Un petit orphelin de 5 ans au visage d'ange agrémenté d'un sourire permanent se trouve au bord d'une route, dans les bras de sa grand-mère. Ils sont venus pour voir passer la reine Marie-Antoinette. La reine, qui n'a pas encore d'enfant, recueille parfois de petits pauvres pour les élever auprès d'elle. C'est ce qui va arriver à Martin : contre un peu d'argent donné à la grand-mère, la reine emmène Martin à Versailles. Mais elle se lasse vite de cet enfant quasi mutique au sourire figé. Il passe de mains en mains. On lui impose diverses activités dans lesquelles il se montre maladroit. On lui découvre un don avec les animaux. Il travaille à la construction du « hameau » de la reine et il se retrouve vacher à la ferme-jouet de Marie-Antoinette, Trianon.
***
À la fin du roman, Christian Chavassieux nous propose des « Repères chronologiques » bien utiles pour s'y retrouver dans cette époque troublée. Non que le parcours de Martin soit difficile à suivre, mais parce que le jeune homme subit, la plupart du temps, les conséquences des événements historiques sans avoir eu connaissance de leur déroulement. On vit la Révolution par les yeux de l'homme de la rue, de celui qui n'a pas une vision d'ensemble de la situation. Dans la première partie, « En ce pays-ci (1777-1789) », on suit Martin à Versailles et à Trianon, dans la vie quotidienne d'un petit monde exploité, mais aussi favorisé par rapport à beaucoup d'autres individus de leur « condition ». Dans la deuxième partie, « Un air de bonheur (1789-1790) », Martin arrive à Paris, dans un univers nouveau pour lui. Il travaillera dans les cuisines d'un grand restaurant puis chez un architecte plein de compréhension et de générosité. On le verra aussi tomber amoureux de Marianne. Dans la troisième partie, « La Grande Sauvage (1791-1794) », on retrouve un Martin transformé, une homme que le lecteur ne reconnaît pas et qui ne se reconnaît pas lui-même. On apprendra pourquoi dans le bouleversant et puissant monologue intérieur du chapitre 8, le plus long de tous. On ne peut qu'être rempli de compassion pour Martin et partager son désarroi.
***
Christian Chavassieux nous propose aussi des « Notes » passionnantes et pleines d'humour sur les recherches qu'il a effectuées pour écrire La Vie volée de Martin Sourire, des explications sur le « Vocabulaire » ainsi qu'un glossaire, et des renseignements sur les « Personnalités » qui traversent le roman, tant ceux qui jouent un rôle important que ceux qui ne font que passer. Et puis il y a comme toujours l'écriture inimitable de Christian Chavassieux : la richesse du vocabulaire, le mot que vous ne connaissiez pas et que vous comprenez quand même (si ce n'est pas le cas, référez-vous au glossaire), les descriptions magnifiques, le talent de susciter l'empathie… Un style qui vous donne à voir la vie quotidienne de cette époque grâce à quantité de détails qui pour la plupart m'étaient inconnus. J'ai adoré ce roman d'apprentissage aussi dépaysant que passionnant et instructif !
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J'ai reçu ce livre dans la cadre de la mass critique et je remercie Babelio et les éditions j'ai Lu pour cet envoi.
Christian Chavassieux nous raconte la vie de Martin, une vie « volée » parce qu'en 1778, alors qu'il n'a que quatre ou cinq ans, il est « acheté » par la reine Marie-Antoinette à sa grand-mère. La reine est alors en mal d'enfant et adopte des jeunes garçons et des jeunes filles pour jouer à la maman. Martin découvre la cour de Versailles et son fonctionnement. de fil en aiguille, il deviendra vacher au hameau de la reine dans le parc du château. Car la reine veut jouer aussi à la Bergère
A partir de 1789, il quitte ce cocon pour découvrir la capitale, son peuple, ses misères, ses espoirs, travaille dans un restaurant, rencontre des personnages historiques secondaires, devient spectateur de la Révolution qui se déroule sous ses yeux avant de prendre les armes et de s'engager dans les armées de la république pour finir dans les colonnes infernales en Vendée en 1794.
J'ai lu ce roman partagé entre frustration et plaisir.
La frustration vient du fait que je trouve que la vie de Martin Sourire nous est racontée comme si il s'agissait d'un personnage ayant réellement existé, ce qui est plutôt réussi, mais Martin n'est jamais maître de quelque situation que ce soit. Il n'y a pas d'arc narratif. le personnage est plutôt bien travaillé dans sa complexité et son évolution, mais il n'est jamais acteur de l'histoire. Aucune de ses décisions, de ses actes n'est réellement important et si on suit sa vie, ses amours, ses traumatismes, c'est plus en passionné d'histoire qu'en amateur de roman que je l'ai fait.
Parce que là pour le coup, c'est une petite claque.
A travers les yeux de Martin, de son sourire qui ne s'efface jamais vraiment de sa figure, c'est une quinzaine d'années de l'histoire de France à laquelle on assiste comme si on y était, de l'intérieur. de la vie des domestiques de la reine au hameau, du simple vacher à l'architecte, de la vie quotidienne dans le Paris de 1789 et 1790, avec prostituées, restaurants, vendeurs de rue, échoppes, relations sociales, domesticité, etc., de l'introduction de personnages historiques oubliés du grand public comme l'architecte Boullée, par exemple, tout est passionnant.
Quand je me suis rendu compte que ce livre n'est pas réellement un roman mais une immersion historique avec le personnage de Martin Sourire comme prétexte, je me suis vraiment fait plaisir. Et les pépites sont alors nombreuses, je pense au vol des glaces des lacs gelés de Versailles, à la mode des devins ou à la secte des convulsionnaires.
Le style de l'auteur est à l'avenant de son propos, un style très XVIIIe siècle, mais quand même très modernisé pour que nous puissions nous sentir à l'aise dans notre lecture. Les chapitres sont cours et les trois parties, Versailles et l'enfance, Paris et la jeunesse, la guerre et les traumatismes sont équilibrés.
Le climax du livre, celui qui vous scotche à votre lecture, c'est la troisième partie. le seul chapitre vraiment long (plus de cinquante pages, quand même) est aussi celui qui vous laissera un goût particulier dans la bouche, quand Martin témoigne de ce qu'il a fait et vue en Vendée.
En conclusion, un roman historique ou le côté historique prend le pas sur le côté roman, mais pour le plus grand plaisir de ceux qui aiment l'Histoire !
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Il est le garçon au sourire figé, à l'indéfectible rictus de bonheur aux joues...
Adopté sur un coup de coeur de Marie Antoinette, qui se lasse bien vite de son caprice, le petit Martin grandit à Versailles, quittant rapidement les salons dorés pour travailler comme garçon-vacher au Hameau de la Reine.

Une première partie pour l'enfance dans les décors somptueux du domaine royal,
Une seconde pour l'émancipation dans Paris, l'apprentissage du métier, de l'amour, des idées dans la frénésie des premiers temps joyeux de la Révolution,
Une troisième partie pour la perte des illusions et la fragilité d'un homme dans le chaos des guerres et les débordements sanguinaires de la Terreur.

Par une écriture travaillée et dans un style touffu, par des descriptions d'anthologie*, l'auteur nous fait vivre l'histoire politique et sociale de la France, à hauteur du petit peuple et par l'oeil de son garçon à la face étrange.

Il ne faut pas s'attendre à des rebondissements et une intrigue narrative. Tout le roman se justifie par la reconstitution d'une époque. On change de siècle, on s'immerge dans le Paris grouillant et populaire. L'annexe de vocabulaire en fin d'ouvrage contribue au dépaysement temporel, comme les personnages réels qui traversent le roman.

Une documentation haut de gamme fait de ce roman historique un modèle du genre.
Ce fut une lecture épatante! J'en remercie Masse Critique et les éditions Phébus.

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*telle celle du Paris de 1789, ou du gargantuesque dîner à la française. Quant aux guerres de Vendée, c'est oppressant de réalisme.
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Avec cette lecture, c'est une fort belle découverte que je viens de faire grâce à Babelio et aux Éditions Phebus. Je les en remercie d'ailleurs. Dès les premières pages, je suis tombée sous le charme de l'écriture de Christian Chavassieux (auteur que je ne connaissais pas alors que finalement nous sommes presque voisins...). Quelle plume flamboyante ! le style qui mêle habilement le vocabulaire du XVIIIième siècle et l'argot de la rue donne au récit une vivacité surprenante qui balade le lecteur de la poésie bucolique au plus sordide réalisme. L'exaltation de l'auteur atteint son apogée dans des descriptions qui peuvent s'étendre sur plusieurs pages mais où, en aucun cas, l'ennui ne transperce. Je reste encore sous le choc de sa vision totalement hallucinante de Paris (chapitre 1, 2ième partie). Quant à la retranscription des cuisines d'un grand restaurant (d'autant plus indécente qu'à côté de cette débauche de plats, le peuple meurt de faim), elle met carrément l'eau à la bouche.

J'ai été également séduite par l'histoire de ce jeune orphelin enlevé des bras de sa grand-mère par la Reine Marie-Antoinette en mal d'enfants. La procédure est courante chez elle, l'adoption lui est facile. Conquise par le visage perpétuellement souriant de l'enfant, elle le baptise "Martin Sourire" et l'emmène à ses côtés à Versailles. Ayant enfin assuré sa propre descendance, voilà que la bonhomie de l'enfant la lasse. Martin se retrouve alors vacher près du Petit Trianon, dans la ferme que se fait construire Marie Antoinette où elle aime à se réfugier loin du protocole de la cour. Dans une deuxième partie du roman, à l'adolescence, Martin va enfin découvrir Paris et les coulisses de la Révolution qui se prépare avant d'y prendre part dans la dernière partie.
Plus qu'un roman historique, c'est un roman d'apprentissage que nous livre Christian Chavassieux. Comme il le dit lui-même en postface, il se limite à effleurer cette période, en faisant côtoyer l'histoire de son personnage avec la grande Histoire.

J'ai aimé l'innocence, la naïveté de Martin. Il se contente de ce que le destin veut bien lui accorder, il ne se plaint pas de son sort, se rendant directement responsable de ce qui lui est arrivé (il ne fallait pas tendre les bras à la Reine lorsqu'elle est passée !). En apprenant de ceux qu'il côtoie, finalement il ne s'en tire pas si mal, il apprend notamment à lire. Politiquement, bien sûr, ses opinions ne sont pas très définies. Sa propre identité est confuse, comme l'est sa vision du monde. Malheureusement, c'est le sang versé au cours des guerres de Vendée auxquelles il va participer, qui signera la fin de son insouciance et transformera son beau sourire en rictus.

Ce roman où l'auteur mêle le produit de son imagination à des faits historiques réels (il démêle le vrai du faux dans la postface et y apporte quelques explications intéressantes) m'a beaucoup plu. Malgré quelques longueurs ressenties dans la troisième partie, j'accorde un 16/20 à Christian Chavassieux et j'espère découvrir prochainement ses autres récits.
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Le carrosse royal, à son bord la reine Marie-Antoinette et son aéropage. Au bord du chemin, de pauvres gens qui saluent, se poussent, laissent passer entre crainte, habitude du respect, indifférence ou émerveillement. Et puis un petit garçon dans les bras de sa grand-mère. Que s'est-il passé ? l'enfant a-t-il tendu les bras vers cette apparition ? peu importe, les minutes suivantes, le revoilà embarqué, adopté, rapté en somme, câliné par la reine et ses dames qui sentent si bon, qui s'esclaffent devant sa si belle figure et son sourire qui lui barre tout le visage. C'est décidé, il s'appellera Martin Sourire, c'est ainsi et vivra auprès de la souveraine si triste de ne pouvoir enfanter, il sera choyé, mangera à sa faim, recevra des baisers royaux et ne manquera de rien, ni même d'éducation.
Conte de fée ? Ascenseur social extraordinaire vers un monde féerique ? Non, un autre livre s'écrit pour le désormais Martin, bien vite délaissé par la reine devenue enfin mère. Ballotté de bras en bras mais toujours à Versailles, casé comme vacher au Hameau de la Reine, pastiche édulcoré et idéalisé de la vie de ferme, écran de fumée face à la révolte qui gronde. Martin sera de celle-ci, s'enthousiasmera pour elle, et commettra même le pire, poussé par la machine folle des événements.
La plume riche, exigeante et lyrique de Christophe Chavassieux force l'admiration. Il signe là un époustouflant roman historique mais aussi un roman d'apprentissage sans concession d'un jeune homme en quête d'identité, pris dans les tourmentes de son époque.
Et comme il le fait souvent dans ses oeuvres, Christophe Chavassieux pousse le respect envers ses lecteurs, jusqu'à nous fournir des annexes, des notes riches d'explications très intéressantes.
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Une belle découverte...

Bien entendu, pour commencer, je remercie Babelio et les éditions Phébus (le format et la mise en plage sont très agréables à la lecture) pour cette découverte dans le cadre de l'opération Masse Critique.

C'est là ma 1ère participation à une opération Masse Critique, et J'ai débuté la lecture de ce roman avec un a priori : celui de devoir fournir une critique juste et responsable d'un auteur a priori peu connu. Je savais seulement qu'il s'agissant d'un roman historique sous la révolution française, et d'un roman d'apprentissage autour de Martin, garçon étrange (voir 4ème de couverture).
Là était bien sûr l'intention première de l'auteur, je suppose, mais j'y ai trouvé bien plus, qui justifie une note, pour moi, plus qu'honorable, et de conseiller la lecture de cet ouvrage.

Ma critique sera, de prime abord, sévère en ce qui concerne le procédé narratif : classique, et efficace, tout au plus.
C'est à dire que, sur 340 pages, la "vie volée" de Martin prend progressivement corps, se construit, s'étoffe, assez lentement, en trois parties chronologiques bien nettes, une quasi unicité de temps, de lieu, d'action : du théâtre classique en somme.
Les dialogues, assez rares, alternent avec des descriptions qui, au début, m'ont semblé fastidieuses, et la petite histoire de Martin, progressivement, se mêle à la Grande Histoire qui se déroule sous ses yeux. Christian Chavassieux en profite alors pour développer de longues anecdotes sur Versailles, Paris, puis les guerres de Vendée. On a alors le sentiment que la "petite histoire" de Martin n'avance pas, et ne sert que de prétexte à un travail d'érudition sur cette époque. le rythme ne semble s'accélérer, et raviver un peu de suspens, dans les 2ème et 3ème parties, que parce que Martin, poussé par sa Marianne, s'en mêle de plus en plus.
Ce parti pris de l'auteur "refroidit" au début, et rend aussi les personnages un peu froids : ils semblent distants, simples observateurs des événements qu'ils traversent.
La langue assez précieuse, peu spontanée, adoptée dans la 1ère partie, participe aussi de cette prise de distance, qui n'aide pas à rentrer dans le roman...

Et pourtant... il m'aura fallu dépasser les 110 premières pages pour réaliser que tout cela est savamment calculé (ce que confirme la lecture des notes en fin de volume) et fait -aussi- toute l'originalité de ce roman !
Ainsi, le Martin mutique, qu'on pourrait croire autiste dans la 1ère partie, et qui me faisait penser au Grenouille de Suskind, se révèle un formidable témoin de son temps, sur lequel chaque événement s'imprègne comme sur une page blanche : ce Martin n'a pas de passé -ou si peu-, et est -presque-vierge, lorsqu'il "naît" à la fin du 1er chapitre en quittant son jardin. Nul autre que lui, symboliquement, n'aurait pu former si beau couple complémentaire avec la Marianne parisienne de la seconde partie, qui l'accompagne dans son apprentissage citoyen, avant de participer activement à la grande sauvagerie des guerres vendéennes.
De même, les ruptures de langage, travaillées et voulues par Christian Chavassieux, se révèlent être un excellent vecteur pour nous immerger -comme il s'immerge visiblement lui-même- dans ces 3 environnements successifs : Versailles, le Paris de 1790, la Vendée. On passe de Sade ou Cazotte à Léo Malet en passant par Balzac. On apprend moult vocabulaire mais il ne s'agit pas, comme on pourrait le penser de premier abord, d'un étalage de l'auteur, mais d'un vrai enrichissement de l'ouvrage.
On sent également que l'auteur aime les mots, partant parfois dans des diatribes qui font peu avancer l'histoire mais sont belles et poétiques en elles-mêmes.
Enfin, la lecture (aussi passionnante que le roman lui-même) des annexes finira de convaincre le lecteur que, finalement, derrière le sourire figé de Martin, et la distance prise par rapport à des personnages -réels ou pas- et des événements -petits ou grands, mais souvent richement documentés- , l'effacement relatif du scénario, Christian Chavassieux donne au lecteur une place plus grande, une confrontation plus directe avec l'événement historique. Nos consciences du XXIème siècle se trouvent transportées, par ces véhicules sensibles que sont les personnages, dans un siècle qui s'osait politique, et interrogea avec force la citoyenneté, le vivre ensemble, la liberté d'expression, dans les actes et pas seulement dans les mots... en est-on encore capable aujourd'hui, avec autant de force et de candeur ?...

En conclusion, donc, une belle découverte : un roman qu'il ne faut pas lire comme simple fiction dans un cadre convenu, mais au contraire comme mettant en vedette, avec force détails et par tous les sens, par nombre d'astuces qui embellissent le récit, trois environnements, et une page de notre Histoire.
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Si l'Histoire a bien retenu la longue stérilité du mariage de Louis XVI et Marie-Antoinette, elle connait beaucoup moins bien les assez nombreux enfants que la reine adopta avant de concevoir - enfants inconnus, orphelins de ses anciens serviteurs... évidemment pas destinés à un quelconque avenir politique mais dont elle assura la subsistance jusqu'au bout.
Par la fantaisie du romancier, le cas de Martin Sourire est quelque peu différent. Un gamin sans nom ni parents attrapé au hasard d'un chemin, coup de foudre ou caprise devant une bouille aux beaux yeux noirs, au sourire étrange, un sourire comme gravé dans la chair, que les malheurs peuvent tordre et troubler mais jamais effacer. Voilà alors le petit paysan propulsé sous les ors de Versailles, nommé, lavé, habillé, poudré, instruit. Mais il ne parle presque pas, sa sauvagerie détone, rebute, la reine commencerait-elle à regretter son élan irréfléchi ? Il n'a clairement pas sa place dans les décors éblouissants du palais, en tout cas - à la rigueur, plutôt dans le parc, là-bas, où la nature reprend un peu ses droits malgré les mises en scène, où l'on peut se cacher à loisir ou engager une vie qui ressemble assez au bonheur, loin de la faim et de la misère, bien à l'abri du reste du monde.
Sauf que le reste du monde, on le sait, ne va pas tarder à cogner à la porte. Et Martin, devenu adolescent, peut-il résister à ce qui l'appelle au-dehors ?

Après l'excellent l'Affaire des vivants, je retrouve avec beaucoup de plaisir la belle plume de Christian Chavassieux. Les personnages, ici, sont peut-être moins puissants, moins complexes que dans son précédent roman - mais avec son éternel sourire figé, ses manières sauvages, taiseuses, qui dissimulent une intelligence bien réelle, Martin n'en est pas moins un personnage attachant, moins simple qu'il n'y paraît d'abord et porteur, qui plus est, d'une valeur symbolique intéressante.
Martin, au fond, c'est un peu le peuple français, entraîné d'abord dans les bras d'une royauté à la fois maternelle et égoïste, protectrice et décevante, enthousiasmé ensuite par les idéaux de 1789 puis cruellement trahi par cette révolution qui l'avait révélé à lui-même, en laquelle il plaçait tant d'espoirs, cette révolution qui tourne au combat de bêtes fauves, finit par éveiller le pire en l'homme au nom d'un idéal déjà perdu en route.
L'habileté de l'auteur est là : ignorer l'histoire, déjà tant évoquée, de ceux qui ont fait la Révolution, pesé sur ses grands retournements, pour mettre en scène le quotidien de ceux qui l'ont vécue au jour le jour, informés par les gazettes, les rumeurs, les faits évidents, convaincus, entraînés sans doute par un élan général, mais sans influence aucune sur le cours des choses, perplexes, au fond, sur le sens exact à donner à tout ça. Il en tire une belle chronique de ces années de bouleversements, qui restitue avec beaucoup de vie, de précision et de charme, le petit monde à part de Trianon puis le Paris de la Révolution. Et puis... et puis le récit, jusqu'alors relativement souriant malgré ses ombres, bascule : la guerre entre en scène, et la pire de toutes, la guerre civile, qui prétend écraser, nettoyer, se nourrit d'idéologies tendues jusqu'à la haine, de discours maladroits mal compris, ou trop bien, exacerbés jusqu'à la pure folie. Ce sont les colonnes infernales de Vendée, au sein desquelles Martin découvre bien malgré lui quel monstre sommeille en chaque humain, prêt à bondir pourvu qu'on sache le réveiller. L'évocation en est admirable, d'une cruauté terrible, hallucinée. Plus dérangeante, plus trouble, l'histoire devient alors bien plus puissante, et le personnage de Martin avec elle, jamais plus touchant que lorsque son impérissable sourire s'est figé en rictus.

Un excellent roman historique, en somme, que je recommande chaudement ! La langue, de plus, en est belle, sait emprunter au passé juste ce qu'il faut pour prendre un ton d'époque sans paraître jamais artificielle. Petit plus appréciable : le livre se termine par une très intéressante annexe historique, bien mieux qu'une simple bibliographie, où l'auteur détaille ses recherches, explique ses choix, approfondit quelques éléments de vocabulaire et offre quelques éléments biographiques aux nombreux personnages méconnus mais bien réels qu'on a croisé dans le roman. J'ai d'ailleurs été ravie de découvrir parmi eux l'architecte utopiste Etienne Louis Boullée, dont je trouve les projets assez fascinants
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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L'évolution d'un garçon au sourire "figé" et à la parole rare, sorti de son univers d'enfance par la grâce et le caprice de Marie-Antoinette (personnage inventé mais crédible : la reine adoptait des enfants pauvres) et dont le destin de rencontres en rencontres (notamment un Architecte philosophe) traverse la fin de la royauté (la construction d'une ferme au château de Versailles pour le plaisir de la reine), l'avènement d'une nation de citoyens, et la guerre terrible de l'armée révolutionnaire... Un roman d'apprentissage où le lecteur-la lectrice apprend aussi, au fil d'une écriture que j'ai beaucoup aimée : le choix des mots est "gourmand", on sent que ça compte autant que l'histoire (sans pour autant être "regardez comme j'ai plein de vocabulaire !"), et la manière dont celle-ci est composée (la fin demande un peu de souffle mais c'est très cohérent avec ce qui est raconté) donne une fluidité que je n'imaginais pas trouver, et une fin inquiétante jusqu'aux dernières lignes.
Enfin, les pages d'annexes sont pleine d'humour et très intéressantes quant aux choix de l'auteur et son travail pour lier fiction et historique.
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Ce roman est dense mais ça vaut le coup. Récit de la vie d'un orphelin "recueilli" par Marie-Antoinette, qui se désintéresse de lui aussitôt qu'elle a ses "vrais" enfants. Dans une première période il vit à Versailles d'abord au palais puis dans le petit hameau de la Reine, simulacre de campagne construit pour sa distraction. Vient la Révolution, et il part pour Paris afin de découvrir le monde réel. Engagé volontaire dans l'armée républicaine, il participe ensuite à la guerre contre la Prusse et à la répression de la révolte Vendéenne. C'est à ce moment que ce récit bascule dans le drame, avec force détails sur les colonnes infernales et la barbarie exercée contre les Vendéens par la jeune République. Martin en revient avec un syndrome de stress post-traumatique typique, mais forcément pas diagnostiqué et encore moins traité à l'époque.
Vie volée d'abord par la Reine, puis par la Révolution et la Guerre.
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