Citations sur Ronce-Rose (28)
La pluie du printemps, on sent qu'elle nous veut du bien. Elle commence par nous laver les cheveux. Après, elle forme des flaques dans lesquelles les enfants des autres aiment mettre les pieds tandis que je préfère y mettre mon visage avec du ciel autour. On dirait à la fois que je vole très haut et que je nage sous la terre, comme les, comme les, en fait toute seule. Peut-être que les grandes hauteurs et les grandes profondeurs se touchent au bout tant le globe est rond. C'est une découverte qui remonte au passé et qui fut très importante pour l'époque, même si elle est de peu d'utilité aujourd'hui.
J'ai marché tout droit. Quand on commence à tourner, on n'avance plus. Les manèges sont un bon exemple. En plus, parfois, on gagne un tour gratuit. C'est vraiment l'impasse. [...] On croit qu'en tournant tout le temps, on découvrira plus de choses différentes. On se trompe. (p.81)
Si tu regardes le nuage, tu rates la fleur. (p.17)
J'ai continué jusqu'à la place ronde avec les bancs et le jet d'eau. Les bancs sont là pour regarder le jet d'eau. Il ne pleuvait plus heureusement, parce ce que ce n'est pas très agréable de voir un spectacle sous la pluie, même le spectacle d'un jet d'eau, ce serait comme voir un cracheur de feu dans un incendie, on ne sait plus ce qui est vrai et ce qui est inventé.
Mâchefer me rapporte aussi des livres d'histoire. Il me dit que ça, il ne peut pas l'apprendre à ma place ou qu'alors c'est lui qui le saurait, or c'est moi l'élève. Lui, bien sûr, il l'a su autrefois, dans le passé justement, ça lui paraît parfaitement logique et même chronologique. J'aime bien, moi les histoires de rois, de féodalité, de Moyen Âge et de révolution; même si on voit bien que c'est inventé, contrairement aux guerres mondiales parce que ça, personne n'aurait pu imaginer des horreurs pareilles.
Et d'ailleurs, si je ne pouvais plus écrire "comme", je n'ai aucune idée de ce que j'écrirais. Parce que, moi, quand j'écris dans mon carnet, ce qui me plaît surtout, c'est ce qui vient après les "comme". Ce qu'il y a avant les "comme", ce sont toujours des choses que je savais déjà. Je n'ai même pas besoin d'écrire. Il suffit d'ouvrir les yeux et de regarder, ou de les fermer et de se souvenir. Ce qui arrive après les "comme", par contre, quelle surprise à chaque fois, je ne m'attendais vraiment pas à trouver ça ici et je suis heureuse parce qu'en même temps, rien ne pouvait mieux tomber, rien n'aurait pu me faire plus plaisir. J'ai l'impression de vivre avant les "comme", mais de passer de l'autre côté quand j'écris dans mon carnet. Je ne suis pas sûre d'avoir le droit.
C'est un coq qui m'a réveillé en poussant son cri de vengeance. Nous avons tué sa famille, nous n'irons plus jamais au bout de nos nuits. Je comprends ceux qui bondissent de leur lit furieux pour manger un œuf au petit déjeuner, seulement ce n'est pas ainsi que nous calmerons le jeu.
Je voudrais plutôt rester moi dans un corps souple de belette, voilà ce qui me plairait beaucoup, mais est-ce possible ? Est-ce que je serais la première ou est-ce qu'il y a d'autres anciennes petites filles parmi les belettes ? Ou est-ce que toutes les belettes sont d'anciennes petites filles ? Car c'est vrai qu'on ne les voit plus, les anciennes petites filles.
Je le roule dans la farine du moulin à paroles.
P11
Bruce est extrêmement gros et fort et même quand il me tapote la tête, je m'enfonce toujours un peu dans le sol, jusqu'aux cuisses si c'est du sable, jusqu'aux genoux si c'est de la terre, mais jusqu'aux chevilles seulement si c'est du marbre.