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Critique de Nastasia-B


Je n'avais jamais entendu parler de ce roman avant de visionner la série Treme sur la Nouvelle-Orléans. Selon moi, ce roman est un véritable trait d'union de l'histoire littéraire entre deux très grandes oeuvres du patrimoine mondial : Madame Bovary, d'une part, et Mrs Dalloway, d'autre part.

C'est un très petit roman, qui commence tout doucettement, comme les minces gargouillis d'une source puis qui, peu à peu, prend de l'ampleur jusqu'à devenir un fleuve impétueux, qui vit son apothéose au moment où il se jette dans la mer.

On y suit quelques personnages : des créoles de Louisiane (c'est-à-dire, contrairement à l'idée que l'on a chez nous de la signification du mot « créole », des descendants de Français installés à la Nouvelle-Orléans) et principalement une héroïne, Edna Pontellier.

Les Pontellier sont un couple de la haute bourgeoisie locale, gravitant autour d'autres familles du même milieu et de la même origine : les Ratignolle, les Lebrun, les Mandelet… Bien qu'on se situe après la Guerre de Sécession et l'abolition officielle de l'esclavage dans les états du sud, c'est encore une vie très coloniale, sans doute assez proche de ce que peut encore nous décrire cinquante ans plus tard Marguerite Duras dans Un barrage contre le Pacifique.

Et dans ce monde encore très empreint de la mentalité coloniale, bienpensante et chrétienne de l'époque, le mariage et l'adultère ou encore la maternité et la liberté constituent, pour une femme, les repères authentiques du bien et du mal. Une femme doit être deux fois soumise, à son mari et à son rôle de mère auprès des enfants, sans quoi elle n'est rien. (On pourrait même ajouter trois fois soumise car, si le père est encore vivant, elle se doit d'être bien entendu soumise à son père.)

Edna Pontellier, encore jeune et cependant déjà épouse et mère depuis quelque temps, vit languissamment cette vie faite à la fois d'opulence et de conventions qui pèsent sur elle comme un couvercle de plomb. Certes, elle aime ses enfants, mais ne respire pas qu'à travers eux. Certes, elle apprécie les qualités de son mari, mais il ne la fait pas vibrer. Certes, certes, certes…

Beaucoup de certes mais pas beaucoup de passion, pas beaucoup d'envies assouvies, pas beaucoup de liberté ni de libre arbitre. Peut-être se sent-elle un peu fatiguée de tout cela. Peut-être, lorsqu'elle se projette quelques années en avant, considère-t-elle qu'elle ne se sentira jamais épanouie dans cette vie.

Alors il y a cette étonnante Mlle Reisz, artiste reconnue, pianiste hors pair, mais que tout le monde évite plus ou moins car elle a la réputation d'être très désagréable. Pourtant, Edna ne parvient pas à la trouver désagréable. Peut-être admire-t-elle le fait que cette femme parvienne toujours à dire exactement ce qu'elle pense sans se soucier de plaire ou de satisfaire à une quelconque convention. le prix à payer est certainement le célibat…

Et puis il y a ce Robert Lebrun, ce jeune homme qui lui semble si différent des autres. Qu'en sera-t-il ? Qu'adviendra-t-il d'Edna et des démons qui la taraudent ? Je m'en voudrais de vous le dévoiler. En tout cas, d'après moi, un bon roman, qui explore la psychologie féminine mais pas seulement, je dirais plutôt l'état de soumission et la volonté de s'en émanciper. Ce roman illustre également la fameuse dualité, l'opposition constitutive de la condition féminine qu'a analysé Elisabeth Badinter dans son ouvrage le Conflit.

Mais de tout cela, souvenez-vous qu'il ne s'agit que de mon avis, cueilli très tôt, dès l'éveil, c'est-à-dire, pas grand-chose…
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