"Il y a longtemps que j’ai compris qu’il ne fait pas bon aimer se montrer, se distinguer du nombre, à Tamdit. Foulard ou pas, les gens avancent voilés, masqués. Masqués pour mieux surveiller le voisin – et s’empresser de penser et de faire comme lui. Ou, alors, s’ils peinent à y parvenir, à dire ce qu’ils ne font pas et ce qu’ils ne pensent pas. Oui, bien avant de nous cacher, nous, Taous se cachait. Se cachait quand elle sortait avec Outoudert. Se faisait discrète quand elle allait passer du bon temps avec une copine. Mentait quand elle niait avoir encaissé sa petite prime trimestrielle. Une prime qui, sans ce mensonge, aurait certainement été réquisitionnée pour rénover telle ou telle partie de l’appartement familial, alors qu’elle voulait la mettre de côté pour s’offrir un bijou comme celui de sa meilleure amie – un bijou, qu’elle cachera, bien sûr – ou une petite escapade secrète avec Outoudert, qui lui-même excellait dans l’art de mentir. "
"Ah oui, il s’en passe des choses, dans le silence de la nuit, à N’nda ! C’est là, murmurent les habitants de la Capitale Dite Blanche, que se concluent les plus grosses affaires du pays, que se négocie le sort des entreprises et celui des individus ; c’est là qu’on décide qui des « suicidés » et des « morts par accident » sera glorifié en héros ou déclaré traître et comploteur. Là aussi, on peut se fier au nom du quartier. Comme pour la rosée dont il porte le nom, les choses s’y font en douceur, sans bruit."