Une lecture fantastique, désopilante, captivante, qui allie le tragique et le comique, le grotesque et le sérieux, le suspense et l'évidence, le rêve et le cauchemar, le réalisme et l'impossible.
Une énormité : plus de 900 pages (version livre de poche). Ce n'est pas dans mes habitudes de signaler le nombre de pages, je m'en moque un peu, mais là, on a à faire avec un monument.
Une qualité stylistique indubitable. Que du plaisir, de la saveur, de l'arôme, pimentée, aigre-douce, suave, parfumée, musquée, parfois... un vrai régal.
(je ne connaissais pas du tout l'auteur, il apparaît que c'est une pointure).
L'histoire : résumer plus de 900 pages en quelques lignes, il ne s'agirait pas de lasser mon babéliaute préféré, mes baléliautes préférés, mission possible.
Se référer au titre : demi-frères. En fait peut-être, peut-être pas. Mais ils ont la même mère. Et quelques années de différence et quelques centimètres de différence. Car Barnum, le plus jeune, souffre de sa petite taille.
Ces deux-là, Fred et Barnum, sont élevés et vivent donc au milieu de trois femmes, trois générations, l'arrière grand-mère surnommée La Vieille, Boletta, la grand-mère et Véra, leur mère. Pas d'homme, pas de mari, pas de père. Cependant, Boletta est née d'un amour éphémère d'un marin égaré au Groenland et ainsi fantasmé et voué à une adoration digne d'un dieu. le père de Vera, on n'en parle jamais. Et enfin Véra est violée par un inconnu aux 9 doigts, qui ressemble étrangement à celui qu'elle épousera quelques années plus tard et lui fera un second fils, Barnum.
Trois femmes, trois générations, qui nous font traverser l'histoire de la Norvège depuis 1945 jusqu'à pratiquement aujourd'hui (2000, plutôt). Une histoire pas si tranquille que cela.
Les personnages sont pratiquement tous à multiples facettes, complexes. Tous un peu honnêtes, un peu roublards, un peu compatissants, un peu cyniques. Aucun n'échappe à la plume acerbe, désabusée, cynique, de l'auteur.
Fort heureusement, l'auteur réserve à son lecteur, d'abord des énigmes, qui seront résolues ou pas, peut-être, peut-être pas, (pour reprendre une expression récurrente dans le roman), ce sera au lecteur de se faire sa propre idée. Et puis l'auteur a un sens de l'humour et de la dérision, maniés avec une empathie sans limite. Alors ces personnages restent humains, tristement humains (comme le concierge Bang ou l'agent d'assurance Arnesen), magnifiquement fragiles (Vivian, sa mère, le père de Peder, Fred bien sûr)...
Et ce livre parle de l'image, de ce que l'on voit et de ce que l'on croit voir. de ce qui est visible et laid, et de ce qui est caché. de celui que se cache, pour ne pas voir ou ne pas être vu. La maman de Peder joue à cache-cache avec son fauteuil roulant qu'on entend quand on ne la voit pas, la maman de Vivian se cache derrière sa voilette et pourtant elle veut voir. Mais est-ce qu'on peut voir quand on ne veut pas être vu ? Enfin, Barnum écrit des scénarios mais devra composer des adaptations. Tout ne serait donc qu'adaptation. Adaptation à quoi ?
Il n'y a pas de réponse. L'auteur ne donne aucune réponse. Qui est le père de Fred ? Est-ce Arnold ? peut-être, ou peut-être pas. On ne voit pas ce qu'on voit, mais on voit ce qu'on croit voir.
Une lecture très particulière. En tout cas, prenante et impressionnante.
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