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Critique de Darkcook


En ces temps troublés, retour à mon remède favori : Agatha Christie. Comme d'habitude, je connaissais bien l'excellent épisode avec David Suchet, et voulais découvrir l'expérience via le roman, guetter les indices... Car on est dans un Agatha à twist, tel le Meurtre de Roger Ackroyd, ou, le Crime de l'Orient-Express, Mort sur le Nil, Poirot quitte la scène... C'est aussi et surtout un hommage de sa part au Mystère de la chambre jaune, et si j'ai dit ça, j'ai tout dit, je spoile même le twist... Et comme avec Ackroyd, vous avez des indices et des éléments de la narration à double entendre, à réinterpréter à votre connaissance de la solution.

Le vieux Simeon Lee, patriarche odieux, sadique, haineux, rassemble toute sa famille pour Noël dans son manoir Gorston Hall, dans le simple but de les tourmenter, de les rabaisser encore et encore, et de leur dévoiler, à leur grande stupeur, qu'il va modifier son testament. Évidemment, il est égorgé (oui, vous avez bien lu, chez Agatha!) quelques heures après. Agatha annonce en préface vouloir, à la demande et destination de son beau-frère James, faire un roman sanglant! On retrouve ce fameux thème qui lui est cher, surtout dans ses romans de cette période, d'une victime ayant fait le mal et qui s'en trouve châtiée par le meurtre (Rendez-vous avec la mort, Dix Petits Nègres, le Crime de l'Orient-Express, Poirot quitte la scène...). Agatha ayant toujours le goût des belles citations, elle cite à ce sujet, via un de ses personnages, "Les meules du seigneur broient avec lenteur, mais elles réduisent en infime poussière". L'âme de Shakespeare plane toujours chez Agatha, et l'on aura aussi le fameux "Qui aurait cru que ce vieil homme eût en lui tant de sang ?" de Lady Macbeth, et des mentions de Desdémone et Othello!

L'enquête va être particulièrement compliquée car, comme chez Gaston Leroux, la porte de Simeon Lee était fermée de l'extérieur, et l'on a trouvé personne en entrant, après son terrible cri d'agonie qui a rameuté toute la famille! Hercule Poirot arrive sur les lieux, avec le Colonel Johnson. Ils sont assistés du Superintendant Sugden, déjà sur place. Tous les fils de Simeon pouvaient avoir des raisons d'assassiner le vieux Lee : David, au tempérament passionné, qui ne s'est jamais remis de la mort de sa mère et maudissait son père, Alfred, qui lui était toujours dévoué, et n'a reçu que fiel et insultes peu avant le meurtre, Harry, mystérieusement revenu après des années, George le politicien (particulièrement drôle, d'une obséquiosité caricaturale!), qui allait voir sa pension réduite...

Plusieurs choses frappent Poirot dès le départ ou au fur et à mesure : le caractère excessivement sanglant du crime, l'emphase, le spectaculaire, au fond, la mise en scène. La famille a en effet entendu le cri de Simeon à propos duquel elle livre plusieurs comparaisons très intéressantes, et un fracas de meubles renversés signifiant une bagarre, mais qui se battrait avec ce vieillard frêle dont la seule arme est la parole et l'humiliation psychologique ? Autre élément significatif sur lequel le lecteur passera sans doute outre : le majordome Tressilian dit avoir la sensation de revivre plusieurs fois les mêmes scènes depuis qu'il a ouvert la porte à Harry, Poirot lui-même éprouve des sensations de déjà-vu et croit avoir vu un fantôme à son arrivée... le manoir bien renfermé de l'action et ce genre de déclarations nous feraient presque tutoyer le fantastique! Pour Poirot, ce côté excessivement sanglant du crime trouve son interprétation : Simeon Lee a été frappé par son propre sang, et a payé son train de vie et sa conduite... Poirot met aussi l'accent sur l'importance de l'hérédité... Mais qui donc est coupable ?

Je ne peux en dire plus, j'en ai déjà trop dit avec les comparaisons à La Chambre jaune et à Ackroyd... On appréciera aussi l'incursion des tropismes de l'Espagne avec le personnage de Pilar, et de l'Afrique du Sud, dont viennent certains personnages, et le happy end dans la réconciliation cher à Agatha. Lisez le Noël d'Hercule Poirot, étonnamment moins connu que les romans cités au début!
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